#anthologie #26 | lutte


Au départ, il y a un seul éclat, qui a soudain enflé, pas encore sûr de lui, un peu hésitant, bégayant, ça n’était pas très clair. Ensuite ça se précise. Les syllabes s’avalent, ou elles se pressent entre elles et, une fois aspirées, se déversent en un bloc, portées par des gestes qu’on dirait dissociés du corps. Bloc amer. Puis le silence. Puis les éclats, maintenant certains, précis, bombés et nets. Brefs. Attendus et inattendus. Obligés. Sans annonces. Et les silences autour de chacun d’eux qui vibrent dans l’espoir que ça cesse, d’une trêve jamais atteinte, d’une résolution qui remonterait à la surface comme quelqu’un sort la tête de l’eau après avoir plongé, et respire. Impossible, les éclats en tombant l’empêchent. Les silences ne font pas le poids. Les silences sont des pièces de métal qui cherchent leur utilité en vain, pinces, clés et vilebrequins qui tournent fous comme les balais de l’Apprenti sorcier font baver la mousse des seaux en tournoyant, aveugles, délibérés. Les silences sont dangereux. Pour ce qui est des éclats, c’est pire. Parce qu’ils ne savent pas comment éclater, de quelle façon, cherchant la solution dans l’autre éclat, dans l’autre, puis l’autre, jusqu’à former une meute désorientée. Et tordus, ils glapissent, ils oublient de choisir. Ils se jettent et prennent tout. Renversent toute la table, les petits sons avec, les fourchettes, les claquements, les grincements des pieds sur le carrelage, tous les petits sons se rapetissent, se dégringolent. S’il y a une accalmie et qu’un son se redresse, il aurait tort d’y croire, un des éclats se précipite sur lui et le déchire, paroles de guerre.

A propos de C Jeanney

or donc et par conséquent, je fais ce que j'ai à faire sur mon site tentatives

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