#anthologie #27 | Trois histoires

C’est l’histoire d’un écrivain à succès qui découvre sa médiocrité. Il écrit des thrillers qui laissent ses lecteurs à bout de souffle, mais ses personnages n’ont aucune profondeur, il le sait. Il manie avec aisance tous des mécanismes de l’écriture, passe ses journées à remplir des pages blanches, mais il lui manque la vie, la confrontation avec les autres, il lui manque le monde et ses malheurs. Alors, il invente, fait comme si ; tout ce qu’il écrit regorge d’action qui s’envole vers le fantastique faute de matière première. Un jour, il accompagne sa sœur à une réunion de personnes qui croient aux événements extra-terrestres et en revient fasciné. Il décide d’inclure dans le roman qu’il est en train d’écrire un épisode sur ce qu’il vient de témoigner. S’enthousiasme outre-mesure et fait prendre à son histoire des tournants totalement inattendus. Ce roman a un énorme succès. C’est son dernier roman.

C’est l’histoire d’un écrivain qui vient de se disputer avec sa femme un mercredi, alors que les disputes de ce genre sont censées se dérouler tous les samedis. Contrarié par ce dérèglement de sa routine, l’écrivain fait ses bagages et part vers un hôtel qu’il connaît bien car il y a passé sa lune de miel. Il y rencontre un matin, près du lac qui entoure la vieille demeure, un ancien marin qui lui raconte sa vie. Celui-ci vient dans cet hôtel tous les ans à la même époque rendre hommage à sa femme qui est morte noyée dans le lac. Le marin vit sa douleur et son deuil démesurément car il ne sait pas si cette mort a été intentionnelle ou accidentelle. Il penche plutôt vers la première possibilité et s’en veut de ne pas avoir donné à sa femme ce qu’elle désirait le plus : son attention. L’écrivain écoute cette histoire en silence et pense à la transformer en roman. Ils se rend à la bibliothèque de la ville pour avoir plus de renseignements sur l’incident mais aucun journal local ne le mentionne. Décide d’interroger le propriétaire de l’hôtel, mais, celui-ci, indigné, lui dit qu’aucun accident n’est venu salir la réputation de son établissement. L’écrivain, perplexe, se rabat sur le marin, mais celui-ci a quitté l’hôtel. Ne sachant que faire ou penser, il décide de téléphoner à sa femme, mais n’obtient aucune réponse. Insiste et insiste jusqu’à la tombée du jour. Le soir même, son téléphone sonne. Il ne décroche pas. Il sait.

C’est l’histoire d’un écrivain qui n’a jamais rien publié. Il n’a jamais rien publié car aussitôt qu’une bribe d’idée lui passe par la tête il la raconte immédiatement à ses amis pour savoir si c’est une bonne idée. Régulièrement, ses amis approuvent les idées qu’il leur présente. Cependant, à partir de ce moment-là, l’écrivain est incapable d’écrire sur les idées qu’il a partagées tantôt. Aucun développement n’est à la hauteur des louanges et de l’approbation qu’il a reçus pour son embryon d’histoire.

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

5 commentaires à propos de “#anthologie #27 | Trois histoires”

  1. je ne sais pas bien pourquoi, mais la deuxième m’évoque Madame Muir (Lucy de son prénom) (un de mes films favoris) (mais l’histoire ne dit pas pourquoi ils s’invectivaient – donc – tous les samedis) (j’adore)

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