#anthologie #26 | mes voix

Les voix dans ma tête sont silencieuses et elles font un vacarme épouvantable. A partir de cinq heures, le jour se lève sans se faire entendre, au moins une heure avant l’aube les oiseaux se réveillent, chaque espèce d’oiseau commence sa journée à un moment précis et différent, le rouge-queue, le rouge-gorge, le merle noir, le rossignol, les sifflements, les cris, les piaillements, les roucoulements, les trilles se succèdent, au lieu de s’organiser en un moment unique pour une cacophonie qui serait passagère ‒ avec une chance que mes voix soient alertées mais assez faiblement pour pouvoir repartir encore un peu au fond de moi là où elles sont supportables, immatérielles ou se taisent pour laisser place à ce qui s’ambiance dans mes limbes ‒, au lieu de s’unir en un concert que je pourrais intégrer dans mes songes ‒ comme la cloche de l’église qui ne me réveille plus depuis longtemps ou comme les trains qui passaient au fond de notre jardin d’enfance et qui jamais n’ont troublé mes nuits peut-être leur régularité le roulement sur les rails son côté circulaire et répétitif plutôt propice au sommeil ‒, au lieu de ça le chœur de l’aube (expression d’ornithologues béats d’admiration) va s’étaler sans fin ou au moins deux heures durant et mes voix commenceront à murmurer encore lointaines et presque indiscernables, j’essaierai de ne pas prêter attention à mon chœur interne. Mes voix se superposent, combattent pour être entendues, la douce chuchoteuse me dit retrouve ton rêve cours après, l’énergique raisonnable clarinette claire et volontaire me dit c’est l’heure tu pourrais rejoindre ton tapis de yoga et regarder le lever du soleil en faisant l’arbre, la gourmande suave sait me raconter sensuelle l’odeur du café me promet que le mal de crâne va disparaître dès la première tasse, la grogneuse dépressive en mode ostinato toujours à l’affût commence à faire tourner les scénarios d’échecs passés ou probables, la radoteuse repasse en boucle les conversations ce que j’ai dit ce que j’aurais dû dire, je finis toujours par me lever pour mettre fin à cette conversation.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

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