#anthologie #26 | ceux du chagrin

un hoquet de pleurs, c’est l’Une ; le clac de l’interrupteur, le noir ; dans la chambre le plancher craque un peu, de chaque côté du lit le matelas couine ; l’Autre tapote son oreiller ;  par la fenêtre ouverte le vent, le volet entrouvert glisse sur la ferraille, dérape, l’Une se lève et le referme ; l’Autre voudrait éclairer la lampe de chevet, mais un marmonnement pour dire non ; l’Une retourne à sa place, le chuintement du matelas encore, dans les draps le frottement de ses pieds sur les draps, de tout son corps qui s’allonge et sa voix dans le noir, rayée par la tristesse pour dire à l’Autre qu’elle peut incliner son matelas comme il aimait le faire ; des pleurs puis des sanglots, les chuchotements de l’Autre pour rassurer, en vain ; en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien ; la manette claque et le matelas se relève d’un coup, un rire, un deuxième rire triste, les tremblements de la voix triste, la peur larmoyante de dormir seule bientôt,  désormais, toujours, les pleurs comme un son continument doux, un vagissement retenu ; le retournement de l’Autre de son côté du lit pour prendre l’Une dans ses bras, lui caresser les cheveux, et c’est un bruissement soyeux qui apaise la main, le souffle, le sommeil à venir.

A propos de Marlen Sauvage

Journaliste longtemps. Puis dans l'édition. Puis animatrice d'ateliers après une formation Elisabeth Bing et DUAAE à Montpellier. J'anime encore quelques stages d'écriture, ai contribué aléatoirement au site des Cosaques des frontières, publié quelques livres – fictions et biofictions – participé à plusieurs ouvrages collectifs. Mon blog les ateliers du déluge.

6 commentaires à propos de “#anthologie #26 | ceux du chagrin”

  1. en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien

    et pourtant tout ces balbutiements d’intimité partagée bien sûr que ce n’est pas rien, lu vu entendu approché sur la pointe des pieds à souffle retenu

  2. « ; en vain cela en fait du bruit, des soupirs, des petits reniflements, des phrases amorcées, des tapotements sur la main tremblante, de grandes inspirations qui ne débouchent sur rien ; la »beaucoup d émotion à lire . Merci Marlen

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