#anthologie #25 I Paris ne sent pas le riz

L’odeur du fleuve qui passe où s’en va-t-elle ?

Y a-t-il une odeur de surface et une des profondeurs ? 

Certaines odeurs viennent de loin, nous surprennent. Ainsi l’odeur des embruns qui remonte la Seine, dépasse Paris, portée par le vent d’Ouest. Soudain les enfants des banlieues s’arrêtent surpris, leurs yeux flottent et se perdent au delà des immeubles qui barrent leur horizon : Tiens, ça sent la mer…

Honfleur ne sent pas les fleurs
Paris ne sent pas le riz

Les odeurs rebondissent-elles de corps en corps ? Tracent-elles un chemin de toi à moi à lui comme dans le conte les cailloux du petit Poucet ? Et peut-on raconter une vie en reparcourant les odeurs traversées une à une pour en dessiner la cartographie ? 

Peut-on offrir son odeur comme on offre son cœur ? 

Est-ce que les odeurs grandissent avec nous ? 

Où vont nos odeurs quand on disparaît ? 

Il y a des mots qui sentent fort même avec le nez bouché comme ça pue, ça cocotte, ça chlingue.

Les mots ont une odeur. Par exemple on dit : ça ne sent pas la rose et c’est l’odeur de la rose qui vient.

J’aime l’odeur de ton corps. La nuit je rentre, je m’allonge près de toi, je te renifle, te respire, je suis chez moi.

Les petits enfants qui partent loin de leurs parents emportent souvent un mouchoir qu’ils reniflent le soir entre deux sanglots. C’est l’odeur de leur maison imprégnée dans le carré blanc de coton avec le sourire de maman, ses bras ronds et doux, les joues de papa qui piquent quand il donne le bisou du soir. Il suffit de fermer les yeux, le carré de tissu près du nez pour se rassurer un peu.

C’est incroyable comme une odeur peut contenir de grandes choses : une maison, un été, un amour, une vie. 

L’odeur de ceux qu’on aime, même les yeux fermés on les retrouverait toujours.

Parfois l’odeur sépare. Ainsi lorsque les enfants deviennent des adolescents, les parents sont perdus, ils ne reconnaissent plus leurs petits. 

Même si l’odeur change l’amour reste. 

Il y a des corps, des lieux, on voudrait les aimer, on essaie de toutes nos forces mais c’est impossible. Il faudrait commencer par aimer leur odeur, on n’y arrive pas, jamais.

L’odeur est déraisonnable par définition.

Pourquoi dit-on se fier à son instinct et non se fier à son odeur. 

On dit l’odeur du monde mais le monde est si grand et bien plus encore le monde des odeurs, comment s’y retrouver ? 

Il est des poèmes odorants ? Je pense aux roses de Saadi de Marguerite Desbordes-Valmore.

Est-ce que quelqu’un qui s’appelle Marguerite sent la marguerite ? Violette la violette ou Lila le lilas ? Le monde serait plus simple. 

A propos de Françoise Guillaumond

Ecrivain, directrice artistique de la compagnie La baleine-cargo sur Wikipedia, ou directement sur la baleine cargo.

3 commentaires à propos de “#anthologie #25 I Paris ne sent pas le riz”

  1. Peut-on offrir son odeur comme on offre son cœur ?
    C’est le titre tout d’abord qui m’a emmené vers votre texte, Paris ne sent pas le riz mais oui, c’est simple et si beau et cette phrase ci-dessus que j’aime particulièrement et l’odeur des enfants si vraie, merci pour vos mots.

  2. Où s’en vont les odeurs, d’où viennent elles, et j’aimerais bien que Violette sente la violette…merci pour ces fragments.