#anthologie#21#1978 auto-annoté

Printemps (1) dix neuf cent soixante dix huit, assise avec tous les autres lycéens de Lannion (2) sur la place du Marc’hallac’h (3) nous protestons contre les responsables du naufrage de l’Amoco Cadiz(4). 

Printemps dix neuf cent soixante dix huit, dans le garage de Catherine  (5) aménagé en salle de jeu avec Isabelle qui possède un tourne disque (6) à elle nous tentons de répéter de mémoire la chorégraphie de Saturday Night Fever (7) à partir du disque de la bande originale reçu pour mon anniversaire (8). 

Une armée de lapins roses jouant du tambour fait sa première apparition à la télévision (9) suivie par un chef cuisinier assaisonnant une salade et s’interrogeant sur l’utilité de se décarcasser (10).

Pendant un concert de soutien aux ouvriers de l’AOIP (11) en grève, depuis les coulisses j’aperçois Mouloudji sur le devant de la scène entr’ouvrant presque timidement les rideaux pour observer le public sans en être vu (12).

Centre aéré de la ville, été dix neuf cent soixante dix-huit, premier jeu de l’oie grandeur nature organisé pour mon groupe d’enfants, des petits de maternelle, pendant mon stage pratique de Bafa (13). Ils progressent trop vite par rapport aux estimations initiales. Jusque la fin du jeu, j’annonce (14) systématiquement le « un » comme résultat du lancé de dés. Aucun des enfants ne s’en aperçoit. 

  1. la marche de protestation a eu lieu en juin, je n’ai pas réussi à retrouver la date exacte mais je suppose que c’était au printemps car après le 21 juin les terminales et les premières devaient être occupées à passer les examens. 
  2. là encore, je n’ai pas pu vérifier si le lycée privé avait rejoint le lycée public dans la manifestation. Dans mon souvenir, nous étions innombrables.
  3. extrait du Télégramme du 20 août 2019 : Dans notre rubrique « Histoires de rue », publiée vendredi 16 août, l’explication étymologique du nom Marchallac’h était en partie erronée. « Ce mot, qui s’orthographie Marc’hallac’h, a une explication toute simple et est attesté depuis 1499 (voir le dictionnaire Catholicon latin/breton/français du XVe siècle) », indique Riwanon Kervella, la présidente de Kuzul ar Brezhoneg, le Conseil de la langue bretonne, basé à Lannion. Il est composé des termes marc’had (marché) et lac’h/lec’h (lieu), se traduisant donc lieu du marché/place du marché. « Un autre endroit à Lannion est formé de la même façon, il s’agit du Forlac’h : for/foar et lac’h/lec’h = place de la foire, poursuit Riwanon Kervella. Le cheval (marc’h) n’a absolument rien à voir dans l’explication du mot Marc’hallac’h » 
  4. wikipedia : Le 16 mars 1978 à 22 heures, le pétrolier Amoco Cadiz, affrété par la compagnie américaine Amoco Tranport, filiale de la Standard Oil, vient s’échouer sur les brisants au large de Portsall libérant 223 000 tonnes de pétrole brut. C’est la plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde.
  5. la maison était surélevée par rapport au jardin, quelques marches menaient à l’entrée. Le garage était la première partie du sous-sol à demi-enterré, l’accès se faisait par une pente douce. Les fenêtres étaient proches du plafond côté garage et à ras du sol côté jardin. 
  6. c’était peut-être un mange-disque
  7. notre anglais était balbutiant, nous disions La fièvre du samedi soir. Notre morceau de prédilection était Stayin’ Alive celui de la scène du début lorsque John Travolta se prépare pour sa soirée.   
  8. Il m’avait fallu batailler pendant plusieurs semaines avec ma tante-marraine. Elle refusait de m’offrir des disques de chanteurs dont elle ne comprenait pas les paroles. De plus la voix aiguë de Robin Gibbs ne la rassurait pas.
  9. J’ai longtemps et vainement chercher à en avoir un 
  10. La bonhommie factice de cet homme ne m’avait pas convaincue, je le soupçonnais de ne pas s’appeler Ducros .    
  11. WIkipedia : L’Association des ouvriers en instruments de précision (AOIP) est une coopérative ouvrière de production française, créée le 10 mars 1896 dans le quatorzième arrondissement à Paris. Dans les années 1970, elle devient la plus grande coopérative d’Europe, hors URSS avec 4 600 salariés. Au plus fort de ses capacités, elle comprend deux usines en Bretagne (Morlaix, Guingamp), une usine à  Béziers, une à Toulouse, une à évry le siège social et une autre usine à Paris XIIIe. La société sera longtemps à la pointe du progrès social avec, notamment, un salaire unique du directeur à l’ouvrier, et l’obligation d’être syndiqué pour se porter candidat au sociétariat. En 1917, une caisse de retraite et une école d’apprentissage sont mises en place ; ces deux organes fonctionneront pendant plus de 70 ans. En 1979, une décision ministérielle partageant le marché des télécommunications entre seulement deux entreprises, à savoir Thomson-CSF et CIT-Alcatel, manque de sonner le glas pour l’entreprise. Le concert de soutien organisé à Guingamp a lieu à ce moment là et non pas en 1978. 
  12. Parmi les artistes adulés dans ma famille, Mouloudji figurait en bonne place. Le voir, ce jour là dans son costume bleu-gris un peu chiffonné, apparemment intimidé malgré ces nombreuses années de gloire m’a bouleversée. 
  13. Ma formation BAFA s’est faite avec les Francas. En 1979  nous avons participé à l’animation pour les enfants lors du concert de soutien de l’AOIP. Je faisais des maquillages de lions.  
  14. J’avais à la va-vite recouvert d’étiquettes toutes les faces d’un dés géant avec un « 1 » au marqueur. La honte m’effleure quand je repense à ces petits bouts de choux lançant le dès, pestant contre leur manque de chance et s’amusant quand même jusqu’à la fin de la matinée.

A propos de Noëlle Baillon-Bachoc

Lectrice compulsive, attirée depuis le plus jeune âge par la littérature de l’imaginaire avec une prédilection pour le fantastique. Je me consacre à présent totalement à l’écriture. J’anime des ateliers d’écriture et des stages dédiées à la littérature de l’imaginaire.

3 commentaires à propos de “#anthologie#21#1978 auto-annoté”

  1. Trop jeune pour avoir manifesté contre Amoco, mais je me souviens des traînées de mazout qu’on enlevait dans notre dos après chaque baignade, l’été 78, à Portsall. Je crois avoir écrit un texte là-dessus dans un précédent atelier, je chercherai quand j’aurai un moment.
    Ce texte est très intéressant, les notes déploient le champ de lecture, merci !

    • Merci Laure. Bien avant l’Amoco parfois nous marchions sur des boulettes de mazout, rien à voir toutefois avec l’après- Amoco. Aujourd’hui encore, les champs sous lesquels les résidus sont enterrés continuent de polluer. Je lirai ton texte sur le sujet avec plaisir. Merci à toi.

      • Je te l’envoie par mail. Ce n’était pour un atelier Tiers-Livre, mais pour un appel à textes au moment du 40e anniversaire du naufrage.