#anthologie #24 | Pas de la fiction

Comme un souffle léger, comme le vent pour soulever une plume, je l’appelle souvent ma plume. L’envie de se mettre juste à la sortie de l’air devant son nez, de s’allonger à son côté et de le sentir passer sur mon visage, prendre son rythme, le suivre, respirer avec elle. Ce rythme apaisant, un rythme apaisant c’est régulier, sans grandes amplitudes, comme une ligne ondulant expirant inspirant toujours le même volume d’air. Je pense respiration insouciante, je n’en sais rien. La bouche est juste entrouverte, une bulle de salive gonfle et dégonfle, elle va exploser, la réveiller. Les narines se soulèvent à peine, frémissent imperceptibles sauf pour moi, le bord extérieur qui palpite. Je pense abandon, je n’en sais rien. La peau, distinguer seulement là le duvet transparent sur les joues, les pores invisibles, surface complètement lisse, seulement ce bouton écorché, gratté, cicatrisé, marque rose brune, échapper à la perfection. L’envie de prendre la mèche blonde qui retombe sur le front, sur les yeux, la repousser sur le crâne, cette mèche me chatouillerait, je résiste, ne rien perturber de cet équilibre profond. Un soupir bouscule de temps à autre l’ordre tranquille, comme une satisfaction. Je pense soulagement, je n’en sais rien. Sous la finesse des paupières que des veines bleues traversent, quelques tressautements des orbites, une lisière brillante entre les cils qui ne se rencontrent pas complètement, les yeux entrouverts mais aveugles. Je pense rêve, je n’en sais rien.

A propos de Isabelle Charreau

j’arpente plus facilement les chemins de terre que les pavés de la ville, je fréquente l’atelier pour le plaisir comme des gammes, sans projet de partition

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