#anthologie #24 | Suman dort.

Au bout du couloir contre la porte d’entrée, son corps est allongé sur son flanc gauche, ses deux pattes avant et deux pattes arrière sont relâchées, sa gueule est tombante sur le carrelage tiède, il dort. Sa respiration profonde atteste d’un sommeil véritable. Après être allé courir dans la forêt de bon matin, il se repose. Les feuilles emplies de rosée, éclairées par les premiers rayons de soleil et l’odeur de la terre mouillée, l’ont accompagné tandis qu’il gambadait parmi les fougères et les branches tombées de la veille. Il a marché, mangé, bu et maintenant il est plongé dans un état bienheureux. A quoi rêve t’il ? Quels sont les rêves de nos animaux ? Je perçois comme des soubresauts qui l’agitent, les poils qui bougent et se dressent, un gémissement furtif. Est-il encore dans la forêt à sentir les chemins ou à guetter du gibier ? Se voit-il courir à travers les bois, libre et sauvage ? Je le regarde se retourner entièrement sur le dos, mettre les quatre pattes en l’air, pareil à un bébé, apaisé. Il n’aboie pas, ni ne remue la queue, il dort. Mais au moindre de mes mouvements, un oeil s’ouvre, à l’affût : où va t-elle ? Je sens son regard suivre le parcours de mes gestes et ce n’est que, lorsque je me rassois de nouveau, qu’il referme les yeux. Il ne sait pas encore que bientôt je vais m’en aller et le laisser. Arrivera t-il à se rendormir seul ? Une de ses pattes s’étire brusquement pour revenir relâchée sur son flanc. Qu’arriverait-il si je m’allongeais contre lui ? Saurait-il rester ou au contraire, s’en irait-il ailleurs pour avoir la paix ? Ses deux oreilles toutes petites et recroquevillées.sont posées sur le haut de son crâne. Il se tient comme un foetus dans le ventre et pourtant est si grand. Confiant, il part dans des sphères où je ne peux le suivre. Plus rien ne bouge. Il dort.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

8 commentaires à propos de “#anthologie #24 | Suman dort.”

  1. … merci pour ce texte sur un animal dit de compagnie en écho à l’animal sauvage qui s’est emparé de mon texte…Merci !

  2. Oui : « Quels sont les rêves de nos animaux ? » on aimerait se glisser dans leur tête pour le savoir. Très beau texte. Merci Clarence !

    • Merci Muriel, oui j’aime à regarder mes chiens dormir et rêver, c’est toujours beau et un peu étrange, merci pour votre regard.

  3. « A quoi rêve t’il ? » la question est posée et je me dis qu’en revenant à la proposition #23 on pourrait creuser encore plus bas encore plus loin le sommeil du chien (j’ai identifié Suman comme étant un chien) pour essayer d’atteindre « des sphères où je ne peux le suivre »

  4. C’est mystérieux les rêves de nos animaux, quelle belle idée. Et gràce aux précisions du texte on peut visualiser ce grand corps endormi et la tendresse du narrateur qui le regarde.