#anthologie #11 | Arrivée tardive

Quelques grains de sable se promènent sous ses vêtements Démangeaisons Joséphine descend la première avec les valises et se retourne pour attraper les filles, elles ont de petits yeux Les journées d’été plus longues ont faussées son jugement, Joséphine ne prendra plus de train arrivant si tard pour rentrer de Mers-les-Bains Les quais sont éclairés par de furieux lampadaires dont la lumière crue accentue la pâleur des filles, l’air est lourd et moite Un coup de sifflet strident retentit, un train part quelque part dans la gare Sur le quai, une cavalcade de roues de valise qu’on traîne, de talons qui claquent, de claquettes aux doigts de pieds avec des ongles vernis Sur le même quai, juste à côté, arrive un train, Joséphine se presse et presse les filles Crissement des freins sur les roues de métal La foule va grossir d’un moment à l’autre Les filles se tiennent par la main, Sonia tient fermement la main de sa petite sœur, elles sont émouvantes au milieu de ces adultes fatigués et pressés Leurs petits pieds se meuvent dans des sandales poisseuses où la poussière et la transpiration ont formé de petits dépôts de crasse accumulée sous les ongles et entre les doigts de pied Elles prendront un taxi pour rejoindre l’appartement Pas question de leur imposer le métro et les marches interminables C’est la première année que Joséphine revient de Mers sans lui C’est la première fois qu’elle y allait seule avec les filles L’appartement est silencieux Les filles épuisées par voyage s’endorment rapidement Dans le séjour une lampe posée sur une table basse donne un peu de lumière à la pièce, l’ambiance rétrécit la pièce, les murs, moins blancs presque dorés, se rapprochent, l’ombre des moulures, l’ombre de l’abat-jour C’est la première fois qu’elle envisage la vie sans lui Ce soir elle décide qu’elle ne lui laissera aucune place à leur côté

2 commentaires à propos de “#anthologie #11 | Arrivée tardive”

  1. Très beau, on est avec elles, et j’aime aussi la phrase de fin à la fois triste et porteuse d’espoir.

  2. Rétroliens : # anthologie # 28, Edouard Levé | tableaux du passé – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer