#anthologie #23 | numéro 7

Il y aura neuf communiqués plus un – un faux dont ici il est question – le groupe agit et fait part de ses (ex)actions par ce canal : il fait parvenir aux journaux de Rome, Milan, Gênes, que sais-je ses « communiqués » qui expliquent ses revendications – le style en est ampoulé, marxiste léniniste trotskiste rouge bolchévik peut-être bien – je ne sais pas exactement – d’ailleurs je n’en sais rien, je ne fais que consulter des archives, des sites, des livres – à la vérité (à quoi peut bien me servir de remuer toute cette boue ? en mesurer la profondeur ? ) ce texte a été écrit par un nommé Toni Chichiarelli (il semble que cela ait été établi – les sites en référence sont bourrés de faux raccords, d’erreurs, de complots, de fausses pistes, de cynismes, de perversions) – le Toni en question est un faussaire (est-ce Toni ou Tony ? aucune idée, et tout le monde s’en fout) semble-t-il expert, mais le faux qu’il est censé avoir réalisé sent son état à plein nez disons (quoi qu’il puisse en être, il ne l’a certainement pas établi tout seul : ses liens avec diverses bandes de voleurs, tueurs, mafieux, et autres groupes d’extrême-droite sont avérés (ceux avec les services secrets d’ici ou là, moins) – très probablement faux sauf pour ceux qui le lisent, les policiers en l’occurrence, ou les agents des services secrets mis sur cette trace – il sera indiqué comme le numéro 7 (en tout, il y eut donc neuf car ce canal de l’écriture est celui qui a été choisi par les guérilleros des brigades pour communiquer, avec le monde extérieur serait un peu trop dire : avec l’État et ceux qui sont capables de faire un geste dans une direction donnée pour épargner la vie de l’otage – geste qui honorerait lesdites brigades de la qualité d’ennemi politique – qu’il n’est d’ailleurs en aucun cas question de leur attribuer – en aucun cas, dès midi le seize mars – en tout cas c’est ma thèse) (chacun.e a la sienne, nous sommes des milliers à nous occuper de ce qui ne nous regarde pas) – le communiqué numéro 7 sera découvert, après indication à la police, de sa situation dans une poubelle de la place Giuseppe Giachino Belli, Trastevere (rive droite) à Rome – cet emplacement n’étonnera personne, d’ailleurs bien qu’un poubelle pour un communiqué ait quelque relent d’ordure, et on sait pourtant l’importance des signes chez ces brigades : mais non – il annonce la mort par suicide d’Aldo Moro comme s’il avait pu se suicider, pourquoi pas après tout ? en se jetant la tête contre les murs ? en se coupant les veines des poignets avec son rasoir ? en tentant de s’évader et de se jeter par la fenêtre ? Ce n’est pas précisé – c’est une autre affaire et les abîmes de l’âme identifiés, les brigades déposent le corps supplicié, suicidé, mort en tout cas, dans un lac – au fond certainement – le vague problème embarras ennui sera que le lac en question se trouvera gelé (depuis quand ? tout le monde s’en fout) à l’arrivée des éminences de l’enquête – on disposera d’hélicoptères, de voitures blindées, d’équipes de télévision, probablement de radio tout autant, de journalistes invétérés, et de brigades de plongeurs certifiés, qualifiés opérationnels pour explorer les fonds et les tréfonds de cette étendue de glace : on aura préalablement fait exploser à coups de dynamite ladite couche – on plongea (elle est froide, certes) – sans rien découvrir – on transportera donc ensuite tout ce joli monde dans ses pénates, peut-être ridicule, en tout cas bredouille et probablement penaud (on aura entre-temps vendu du papier et des heures de publicités, ce qui est quand même le moins) – on se donne du mal, en l’occurrence, sans doute plus que de coutume – peut-être : on cherche – sans trouver : le lendemain, ou le surlendemain, plutôt, la photo du président Moro tenant à la main le journal du jour prouvera au monde qu’il est vivant et bien vivant – encore, pour quelques jours – pour explorer ces abîmes (de la bêtise ? de l’importance de donner au monde des gages des efforts consentis ? le bon grain, l’ivraie, allez trier…) on peut peut être clore l’étendue incommensurable de cette vie du Toni en question six années plus tard, dans la rue, le voilà en compagnie de sa femme et de leur petit enfant (prénommé Dante), eux qui rentrent à la maison, il est assez tard et ça se passe à Rome, le petit dort ayant fermés ses poings, la mère sort de l’auto et est abattu de trois coups de feu – elle en réchappera dit-on – le conducteur tente de se sauver, il sera abattu de six balles dans le dos dit la chronique, augmentées de deux autres dans la nuque (un mode opératoire qui en dit cependant long : voir, dans notre temps qui s’en vante et en menace) – il était de quarante-huit, ce qui lui faisait trente-six ans

ici un « vrai » communiqué (numéro 1)

ici le « faux » numéro 7

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

Un commentaire à propos de “#anthologie #23 | numéro 7”

  1. j’ignorais (ou si vous l’aviez déjà indiqué je l’avais oublié et pourtant…) le détail du lac gelé
    pourquoi continuer ? pour tenter de comprendre et surtout pour ne ps oublier