#anthologie #21 | notes

9 (0).

J’ai voulu me renseigner sur sa date de naissance (1) et puis j’ai laissé tomber (2) – non mais j’ai trouvé, j’aurais pu en faire la numérologie, en chercher l’ascendant, en déterminer la position des étoiles galaxies maisons et autres joyeusetés cosmogoniques ou logiques ou quelque chose de ce genre – sous quelle étoile, sous quel signe sous quels auspices ? (3) – il y a quelque chose de ce genre dans les vues qu’on peut tenter de percevoir de l’avenir – il y a quelque chose de ce genre – j’ai laissé tomber – j’aurais aimé regarder les lignes de sa main (4) – les tarots les positions des étoiles des nuages des flots (j’aurais aimé, oui) et la direction des vents et l’altitude des pensées et des sourires et des pleurs, oui, ça m’aurait plu – j’aurais voulu voir dans ces images-là quelque chose de beau – objectivement beau – en vrai tout est faux sauf peut-être sa croyance (5)
il devait avoir des frères et sœurs, des oncles et des tantes (6)
j’ai voulu essayer de me représenter ce qu’il représentait pour celui qui l’interrogeait, j’ai arrêté assez vite parce que je n’aime pas la projection – et pourtant j’aime encore assez le cinéma (sauf quand il propose, par exemple, une personne aux yeux encore assez bleus qui s’ampute de son foie (c’est hors-champ, c’est vrai) pour faire plaisir, une espèce de gentillesse, à son mari) (7) – après ça je me suis posé la question de la chronologie, j’ai regardé jour par jour pour son incarcération (8) – et puis année par année pour lui, il signe la constitution de son pays quand l’autre arrive sur terre, juste après guerre, puis il devient ministre des affaires des étrangères et l’autre porte des culottes courtes (9) – un passe-montagne fait maison sur le visage, deux triangles noirs un trou pour la bouche, deux autres pour les yeux
j’ai pensé aussi à Stanley Kubrick (un cinéaste qui, dans ces moments-là, élabore son Shining (10)) (c’est une façon d’entendre la voix des morts (11)) qui, dans l’idée de faire un film sur Napoléon (comme Abel Gance, oui, Raymond Pellegrin et toute cette smallah) avait réuni une documentation jour par jour de son règne – il paraît que je ne sais plus qui, Spielberg ou Coppola ou quelque chose dans ce style cet ordre cette classe ou cette nationalité avait l’intention de reprendre ce projet qui resterait décidément impossible à produire – sauf exception : c’est à voir, mais ces gens-là sont assez vieillissants (12) – je n’avais pas l’intention (13) de parler cinéma, mais cependant, Francesco Rosi, dans ces mêmes moments, ce mois d’avril, ce mois de mars et ce mois de mai, et encore en juin, malgré tout, tournait cette année-là avec dans le rôle principal Gian Maria Volonté (« j’ai beaucoup d’estime pour lui »dit-il) (moi aussi) (14) une adaptation du roman de Carlo Levi Le christ s’est arrêté à Eboli qui raconte l’histoire d’un médecin envoyé dans ce sud dans lequel, bizarrement, est né Aldo, parce que ce sud est un désert, et qu’il n’y a rien qui puisse aider ce médecin à survivre à son aversion pour le fascisme de cette ordure de Mussolini – j’ai pensé aussi au verdict prononcé vers le quinze avril de ce mois-là, lequel m’a fait penser à la peine de mort abolie dans ce pays-là en 1947 : que faisait-il, Aldo, quand cette loi fut votée alors qu’en Espagne on continua au garrot d’étrangler les opposants, jusqu’à la fin de cette pourriture de Franco, lequel l’avait restaurée pour les besoins de la terreur dans laquelle il voulait maintenir le pays – je me suis dit que c’était étrange que ces relents me viennent, aujourd’hui, j’ai regardé dans la rue
j’ai refait du café (15)
à nouveau encore j’ai repensé à ces journées plus qu’à ces années, j’ai regardé et relu la plupart des mots, des centaines et des centaines de mots (sans qu’on le lui demande – je me suis demandé si on demandait quelque chose à une machine – l’ordinateur les compte : sept mille sept cent trente-cinq) déjà écrits à ce sujet lors des dialogues d’il y a deux ans (16) – les moments importants, particuliers, spéciaux de sa vie, la naissance de ses enfants – trois filles, un garçon, de la même mère – celle du petit Luca, celle à venir d’une autre de ses filles – sans doute les sacrements, je n’y connais que peu en liturgie (chrétienne ou pas) mais une communion, certainement, des passages en confessionnal, des prières des absolutions, des aubes, des hosties (qui prennent un h), des vins et des chasubles (17) et des papes – puis encore d’autres choses, sa dépouille déposée dans un caveau – dont Marco Bellochio fait un développement lors d’un épisode de feuilleton Esterno notte – je dois l’avoir regardé deux fois, en avoir gardé quelques souvenirs pour en faire quelques billets (non c’est l’inverse)(18) je me suis souvenu de ces moments troublés où il avait reconnu le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes, si bien que le chef de l’organisation de libération de la Palestine d’alors avait aussi œuvré pour qu’il soit libéré (19) – j’ai pensé au front populaire de libération de la Palestine (20) j’ai pensé à la fraction Armée rouge (21), à l’Armée rouge japonaise (22), à la guerre du Viet-nam, aux armes qui avaient tué son escorte, à celles qui s’étaient enrayés (23) , à celles qui allaient servir et à bien d’autres encore – mais pourquoi ces idées-là me venaient-elles ?


sa voix, le timbre, le débit, les mots choisis
ses goûts culinaires et ceux tout court
je ne dis pas sa vie sexuelle mais tout savoir sur quelqu’un (24) – comment est-ce possible, ce petit sourire qu’il a sur les images (25) – ses vêtements, les vacances à la mer ou déteste-t-il l’eau – la montagne, porte-t-il une montre (26), des bijoux, une croix

(1) c’est le 23 septembre 1916, dans un village des Pouilles, au bas de l’Italie (Maglie) – je suis allé voir (1) –
(1) c’est une façon de dire – j’aurais aimé aller voir, en effet, j’aurais loué une voiture, comme dans la chanson, on aurait été voir Riace qui est un peu à l’ouest – quinze mille habitants (2017) on a inauguré la place centrale où se trouve la mairie, et le lycée et d’autres choses encore du nom d’Aldo Moro – ainsi qu’à Gênes, on a donné son nom à la sopra-elevata (autoroute deux fois deux voies qui surplombe tout le port) – et sûrement bien d’autres lieux symboliques – afin de se souvenir probablement (on pourrait en dresser un état, ce qui constituerait un développement contemporain)

(2) non, mais je ne m’en suis pas servi – ça ne m’avancerait pas à grand chose, le développement sur la numérologie est un signe en direction de celles et ceux qui y croiraient, peut-être un peu démagogique

(3) longtemps j’ai porté des fleurs à l’une de mes tantes, qui me tirait parfois les cartes, regardait les lignes de mes mains « pas celle-là (la droite), l’autre d’abord » n’en disait rien, sinon un « ca va » née la même année qu’AM mais en février – le 16 je crois bien me souvenir – il y a des papiers administratifs qui donnent cette date exacte – comme il y a des papiers qui donnent aussi des dates exactes de la situation d’une autre de mes tantes (la sœur aînée et de cette autre tante et de ma mère qui était la dernière de la fratrie) qui, suivant son mari, s’était installée dans une campagne proche de Latina au début des années soixante (après les événements – je suis allé y voir mon frère en soixante-treize en passant pour aller en touriste en Tunisie, cette année-là où sévissait le choléra et où sur les bas-côtés des routes flambaient les poubelles – au loin, de la terrasse de la maison on voyait Frosinone au flanc de la montagne)

(4) voilà

(5) il y aurait beaucoup à dire sur cette croyance, vu qu’il y baignât sa vie durant – le mariage (qui est évoqué et illustré plus loin) les enfants et puis le petit enfant (Luca) qui a une place particulièrement importante dans l’imaginaire d’AM à ce que je peux en percevoir – je me suis longtemps demandé (je me demande toujours) quel est/serait l’angle important (qui m’importerait le plus) dans cette façon de concevoir ce héros

(6) ça a à voir avec sa religion, et l’époque et rechercher – dans les documents administratifs – cela aurait-il une importance ? Ce critère (l’importance) est sans cesse convoqué – et parler de ces gens, dont certain.es sont encore en vie sans doute (du moins leurs descendants) (je crois que les enfants d’AM sont encore de ce monde) (Moretti a un fils, Marcello, il semble, dont il parle parfois) est-ce que ça n’aurait un caractère sinon délictueux, au moins obscène ? Quelle est la limite du documentaire ? J’ai vaguement voulu concevoir que tout se terminerait ce 9 mai-là – mais il y aurait quelque chose d’impossible aussi parce que la plupart des informations que je tiens plutôt du support livre sont déjà évidemment postérieures à cette date

(7) le référence est le film Kind of Kindness (Yorgos Lànthinos, 2024) vu la veille ou l’avant-veille, la fille aux yeux bleus est la même que celle qui jouait dans son film précédent rôle pour lequel elle a obtenu un oscar– sans doute égérie – c’est pour dire l’ampleur de l’inscription de ce film et de ses acteurs (et techniciens etc.) dans l’industrie et l’idéologie afférente

(8) ce genre de petite salade me complique l’existence – je n’ai d’ailleurs toujours pas trouvé le style ou le genre ou le ton de cette narration – il y a (il y aurait) aussi à tenir compte des diverses lettres qu’AM a écrites (on en découvre quelques unes ici) – il y aurait aussi à prendre en compte les divers développements déjà réalisés durant les séances « dialogues » d’atelier (2023)

(9) Mario Moretti fait une allusion à cette différence d’âge : « toi tu es le président de la DC, je n’allais pas encore à la crèche que tu avais déjà commencé à gouverner le pays. Tu ne peux quand même pas me dire que tu as la charge d’une famille comme tout un chacun… » : il y a sans doute dans la relation qu’ils entretenaient une composante père-fils

(10) hier ou avant hier Shelley Duvall (et non Winters, je confonds les prénoms) (elle est de 49) qui joue le rôle de Wendy Torrance, la mère du petit Dany et la femme de l’écrivain Jack reclus dans cet hôtel Overlook vide) nous a quittés, dans un bled (Blanco, 2 000 habitants) du Texas

(11) c’est le môme (Dany) qui en a le pouvoir – et de voir aussi bien ces ectoplasmes dans les couloirs de l’hôtel – il y avait alors (en 1980) un important engouement pour ce type d’affaire (L’exorciste (Friedkin, 1973) faisait (avait fait : la salle du cinéma Hautefeuille était comble, et parfois, on sortait des gens dans un état deuxième – parfaitement possédés) un tabac – on avait attendu cette sortie deux ou trois ans (les avions de crâne d’œuf reniflaient les diamants de l’autre cinglé mégalomane et il allait partir l’année suivante)

(12) en l’occurrence Spielberg mais il a jeté l’éponge

(13) même en note

(14) le même acteur interprète le rôle d’Aldo dans le fim de Giuseppe Ferrara L’affaire Aldo Moro (1986) (le prénom, en note de bas de page ou pas, suffit à l’identifier)

(15) ce qui est à nouveau arrivé : ce matin j’ai pris du retard – je retrace ici les mêmes contours, je préfère travailler le matin (personne ne m’emmerde, le téléphone ne sonne pas – il ne sonne que rarement c’est vrai) parfois l’écriture sonne une espèce de glas – au kilomètre – le jour est levé il faut que je sorte

(16) encore un mot avant de sortir : je n’ai pas relu les diverses évocations des dialogues (sauf ce qui s’est passé pour les deux jeunes gens assassinés à Milan deux jours après l’enlèvement : il ne fait pas de doute qu’il s’agisse d’un crime commis par l’extrême droite et qui, comme un certain nombre, n’a jamais été élucidé – il me convient de penser que l’élucidation des crimes se produit plus aisément quand il s’agit d’actes perpétrés par la « lutte armée » (« extrême » gauche) que par le terrorisme (extrême droite) – mais je sais qu’il reste à parler des « affaires » en cours et à rechercher dans les articles des éléments de fiction de Loockeed, Italcasse, Gladio – la loge p2 – mais surtout peut-être pas mais quand même la part de l’entremise américaine dans ces mouvements (notamment le livre du psychiatre envoyé là par J. Carter pour faire capoter les recherches, ce qu’il parvint à ourdir)

(17) je passais dans le parc l’autre jour et un type demandait « une chasuble » à un autre – je me suis demandé ce que ça pouvait bien être (le type était un prestataire – ce qu’il demandait était un gilet jaune ou orange) (on a de ces scrupules je suppose : la seule évocation de ce vêtement porte à jugement – le fait d’arborer derrière son pare-brise un spécimen de ce type de vêtement (obligatoire) avait le pouvoir de vous laisser poursuivre votre chemin autour de certains ronds-points, à un moment)

(18) je devrais mettre des liens (j’écris sous word libroffice pour les tirets longs et les liens m’ennuient) afin de créer des linéaments et fondements et remémorances (ce mot-là il ne le reconnaît pas)

(19) Achille Lauro c’est mon souvenir (il s’agit du nom d’un bateau de croisière, mille passagers, qui croisait alors en Méditerranée, port d’attache : Gênes) – il faut regarder prendre en compte les dates : Mogadiscio, j’ai l’impression de savoir qu’on a jeté le corps du pilote mort, sur le tarmac, avant l’assaut – pour cet épisode du bateau, c’est un homme paralytique et son fauteuil : qui fut jeté pardessus bord (il se peut qu’il ne s’agisse que d’un mauvais rêve – non, une exposition durerait trop longtemps, mais ça se passe en 1984-1985 – en tout cas, le type a été tué avant d’être jeté à l’eau, paraplégique et juif – le ministre des affaires étrangères italien de l’époque est Andreotti) (en fait, ça n’a que peu (sinon, peut-être, l’obédience) à voir avec les BR – parce que les liens de l’extrême-gauche à la lutte palestinienne pour sa reconnaissance sont avérés)

(20), (21), (22) à déployer sans doute pour une vision une image un état des lieux d’alors mais pas le temps ici

(23) (c’est que je tente d’arriver à (26) aussi) le fait que les armes aient été dans un état déplorable : elles venaient, pour une part, des arsenaux de la guerre précédente et mondiale trente trois ans plus tôt au minimum – Germano Maccari (dont on parlera plus tard – plus tard que cette 9 dont on notifie en bas de page) avait la réputation, pourtant, de s’y connaître en arme (mais il n’avait que 25 ans au moment des faits) – par ailleurs (je ne crois pas en parler dans l’épisode à lui consacré – je regarderai le numéro) est « l’inventeur » du mode opératoire de gambérisation : tirer dans les jambes des opposants à la cause, pratique très adoptée parles BR dans ces années-là

(24) il faudra expliciter les aspects de genre qui sont actifs dans cette histoire, actifs au sens où ils ne s’interrogent même pas – les armes sont utilisées tenues employées par les hommes, les femmes s’occupent des costumes, de l’intendance – cet état de chose change au cours des années (par exemple Barbara Balzerani aura recours à la gambérisation)

(25) peut-être penser à une galerie d’images, je poserai en fin celle où on voit AM à la place du mort, Eleonora au volant (« juste après leurs noces d’argent » (quantième: 25) dit la chronique – « la voiture conduite par sa femme – nous ont aussi été présenté les enfants ») (gauche cadre « Moro avec (sa) femme ») (bio indisponible) (en fait non, la voilà

(26) je me souviens de celle que portait l’acteur interprétant le rôle d’Enrico Matteï (son bracelet d’or en maille milanaise : mon grand-père en possédait une de la même facture, de marque Longines dont je ne sais pas le devenir – je le regrette amèrement) dans le film de Rosi (il le présentait un jour au cinéma des grands boulevards Max Linder Panorama (merveilleuse salle – je repense au Kinopanorama de la Motte-Piquet-Grenelle) interrogé par Michel Ciment

(0) le neuvième texte a été tiré au hasard (de manière générale, les notes de bas de page du Brigades rouges Une histoire italienne (Amsterdam, 2018 – entretien avec Carla Mosca et Rossana Rossanda, traduction Olivier Doubre) donnent de profuses indications qu’il faudrait systématiquement explorer (sans index ni glossaire sinon celui des sigles employés)

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

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