- ça se voit que vous avez été élevée dans du coton , Madame !
- …
La psychiatre élégante regarde l’adolescente dans les yeux, incline la tête, sa mimique des lèvres montre qu’elle va lui répondre le plus doucement possible. Pas du tac au tac. L’ado. avait assené son constat sur un ton plutôt las et presque tendre, elle avait détourné aussitôt son propre regard pour lorgner en direction de la porte fermée. Elle ne s’est pas levée. C’est déjà çà… - Vous avez raison… mais on peut en parler si vous voulez. Je suis là pour vous écouter.
Dans un entretien d’hôpital psy. l’asymétrie adulte / ado est plus criante qu’à l’extérieur. En primo-admission, les jeunes patient.e.s ne viennent jamais de leur plein gré dans un lieu de privation de liberté ( vécue comme telle, même si leur admission nécessite un minimum d’adhésion, on y veille). Autant dire que les premiers moments de confrontation sont confus et anxiogènes. Impression pour les soignant.e.s à chaque hospitalisation d’ouvrir une nouvelle boîte de Pandore. Le risque de décrochage scolaire ou pire de passage à l’acte suicidaire chez les ados dramatise la situation. « Un coup de tonnerre dans un ciel (supposé) serein ». Crise délirante, troubles du comportement, ou dépression inquiétante, chaque ado. semble avoir pris feu et trimballe en porte-drapeau involontaire toute la souffrance familiale générée par sa décompensation psychique. A la manière des grands brûlés, il s’agit d’approcher l’ado. sans l’affoler davantage, il n’y a aucune ruse à avoir, seulement de l’expérience et de la patience d’ailleurs, l’équipe infirmière ou éducative autour, est là pour rassurer, soutenir, accompagner et guider vers une vie moins douloureuse et constructive. Cela s’apparente parfois à du sauvetage en haute-mer.