#anthologie #19 | dernier voyage

Un panneau debout sur ses jambes de bois, au milieu du champ labouré : ici, bientôt la construction de l’X 

haute porte par laquelle allaient et venaient tracteurs, moissonneuse-batteuse, écoliers puis lycéens et elle, revenant du Famiprix avec les courses

France-Soir pour envelopper les œufs tout frais pondus

perroquet de plâtre peint en vert et bleu puis verni à l’école, cadeau pour la fête des mères

quais de la gare d’en bas, talus et attente des deux côtés

rêve du lac sans eau, brochets morts au fond , impossible d’y revenir pour le remplir

poursuite : grand œil  en attente, perché au fond d’un local dit technique qu’on va vider de ses programmes et affiches périmés avec dedans, les noms d’adolescents qui depuis ont rejoint leur autre part  

ombre d’un mur si haut que le soleil s’écarte à son contact

affiche du voyage dans le temps, scotchée sur le panneau de contreplaqué, à l’angle de la rue fraiche et la décision d’aller voir de plus près

les feuilles du déroulé, abandonnées sur les bancs, après prises de paroles et larmes

une forêt d’encre dans un corps d’oiseau

deux squelettes de poissons archétypes, espèces de brochets pris entre deux vitres, en hauteur, sur fond de ciel bleu et de jardin botanique

arrêt du L9, ouverture des portes et sortie lente d’une petite pente. Un fauteuil roulant, poussé par une femme, l’emprunte et trouve sa place dans le bus. Dans le fauteuil roulant, une autre femme plus âgée regarde défiler le paysage comme si c’était la dernière fois — lauriers-roses, machines de chantier qui déplacent les monuments, visages semblant savoir où ils vont, fontaine des jeux floraux, réverbération, lumière aveuglante et berges noires de monde

boîte aux lettres sur pied près du café des artistes. Couverte de lettres et de tracts collés. Quelqu’un a rajouté une question : ce ne serait pas une sculpture, par hasard, car aucune heure de levée n’est indiquée

A propos de Christine Eschenbrenner

Génération 51.Une histoire de domaine perdu, de forteresse encerclée, de terrain sillonné ici comme ailleurs. Beaucoup d'enfants et d'adolescents, des cahiers, des livres, quelques responsabilités. Une guitare, une harpe celtique, le chant. Un grand amour, la vie, la mort et la mer aussi.

Un commentaire à propos de “#anthologie #19 | dernier voyage”

Laisser un commentaire