dans le rêve elle porte une robe de gaze, elle avance vers moi , ses pieds sont nus, de verre il semble; s’ils se brisent la cloche tintera; et la fenêtre vole en éclats. Dehors il neige, de gros flocons échevelés, légers comme des feuilles: Viens, me dit Sylvia, il y a du lait et des biscuits, tu ne sentiras rien… Je tombe du canapé où je suis endormie; d’abord je ne reconnais rien. C’est à Londres chez Peter un ami comédien, il m’héberge pour quelques nuits dans son sous-sol : basement on dit ici. Nous sommes le 11 février 1980, jour de mon anniversaire ; la veille Peter m’avait invitée à une lecture de poèmes de Sylvia Plath, d’elle je n’avais lu que La cloche de verre. Elle s’est donné la mort le 11 février 1963, près d’ici à Primrose Hill, au 23 Fitzroy Road, c’était la maison de Yeats ; demain si tu veux nous irons marcher jusque là. À sa mort j’avais donc tout juste quatre ans? Une coïncidence qui plairait à Paul avait ajouté Peter en riant, vous étiez vraiment faites pour vous rencontrer… Et Peter m’avait offert un de ses exemplaire d’Ariel, un poche aux pages volantes.
Je me relève ma hanche est douloureuse, je vais dans la cuisine boire un verre de lait, puis je me recouche sur le canapé : Viens me dit Sylvia dans sa robe de gaze et sa maigreur en filigrane. Sylvia m’entraine dans l’escalier; ses épaules frôlent les murs aux impressions de fleurs : primerose, primevères ( c’est la traduction littérale, c’est le nom, là pas de doute me dis-je dans le rêve, mais comment traduire ses vers ) et ses os comme des lames. Les fleurs saignent.
« Ich, ich, ich, ich, chante Sylvia
je peux difficilement parler.
Je pensais que tout Allemand était toi
et la langue obscène.
Chante Sylvia
Une locomotive, une locomotive
me déportant comme un juif
Un juif de Dachau, Auschwitz, Belsen.
Je commence à parler comme un juif.
Je pense que je devrais bien être un juif.
La neige du Tyrol, la bière légère de Vienne
ne sont ni pures ni vraies.
Sylvia chante, à mesure qu’elle avance ses os se brisent.
avec mes ancêtres tziganes et ma chance bizarre
et mon sac de contrefaçon et mon sac de contrefaçon
je dois être un morceau de juif…
Elle chante, à présent nous sommes devant la chambre de ses enfants, la porte s’ouvre
Ah ! la CLOCHE de verre… Merci pour cette évocation de Sylvia Plath, une grande s’il en est parmi les poétesses.
Très beau très toi très Sylvia…
Merci Nathalie pour ce « rêve » magnifique. Immenses merci de me conduire ainsi à la découverte de Sylvia Plath. Merci(s).
Marlen, Catherine , Ugo c’est dur de revenir après quatre jours d’absence . Me me manquait ces pages partagées . Merci de vos passages
toujours ta langue…
toujours l’enchaînement des images
la robe de gaze (toujours une robe, mais oui…), les pieds de verre, les os douloureux, les fleurs qui saignent… j’y suis…
merci Françoise pour la lecture ( la robe revient je n’arrive pas à ne pas )