#anthologie #09 | place Clichy

Le jour où j’ai pris le chemin opposé, j’étais seulement en train de faire ce que j’avais l’habitude de faire tous les dimanches, parce que le soir j’aimais aller danser à côté de la place Clichy, où je l’avais rencontré, celui qui était parti, et même s’il n’était plus là, je continuais à y aller, à lui dire que j’y allais, à la fois comme une manière de revivre la douceur du moment perdu mais aussi comme une manière de garder la possibilité de faire ce que j’avais fait, avant et après sa rencontre, danser le dimanche soir à côté de la place Clichy, pas question d’interrompre ce qui n’était pourtant déjà plus pareil, mais c’est exactement pour cette raison d’ailleurs que je ne me suis pas rendue compte de ce qui se passait, quand j’ai dansé avec cet inconnu, inconnu alors, et je n’ai compris ce qui se passait qu’une semaine après, et encore je n’ai compris qu’après l’avoir revu, exactement à cet endroit, à côté de place Clichy, et même à ce moment-là je n’avais pas bien compris ce qui se profilait pour moi, il a fallu bien attendre un an pour saisir l’entièreté du revirement, ce moment où d’autres voix proches se sont mises à dire qu’elles me voyaient prendre le chemin opposé, et au début je me suis demandée ce qu’était le chemin que tous m’avaient vu prendre avant de changer d’avis, semble-t-il, et de prendre le chemin opposé, j’avais toujours perçu les chemins s’ouvrant à moi dans le futur, sans jamais remarquer que j’étais en train d’emprunter un chemin, que ce n’était pas seulement une trajectoire qui se voit au futur, incertaine et indéfinie, mais que j’y étais déjà, sur un chemin, et qu’apparemment j’en avais changé, que j’avais même pris le chemin opposé alors que j’empruntais le même chemin habituel me menant au métro place Clichy.

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