#anthologie #16 I blessures

Elle a ricané malgré elle, choquée par des paroles blessantes. Sa capacité à réagir bloquée au creux de l’estomac. A ricané avec le large sourire désarmant et désarmé de celle qui pleure sa rage au fond d’elle-même.

Il déplace son regard vers elle, l’épie furtivement. Il la sait blessée. Il la souhaite blessée. Elle ne réagira pas. Ça aussi il le sait. Ce qu’il ne sait pas et qu’il cherche à savoir c’est jusqu’où est-elle atteinte.

La tête légèrement penchée sur l’épaule, un timide sourire aux lèvres et les yeux éclairés par l’intérêt qu’elle porte aux personnes, elle circule parmi elles un verre à la main. Elle ne les voit pas. Une brume embue son regard. Les mots lui viennent qu’elle aurait dû lui rétorquer. D’abord ceux de la raison qui cherchent à comprendre. A comprendre pourquoi il est comme ça avec elle. Et petit à petit, ceux de la révolte, d’une révolte qui enfle au fur et à mesure que les mots lui parviennent

Il la suit du regard. Elle est lisse et polie et pleine de charme. Elle a l’air si calme. Elle allume chez lui un désir qu’il qualifierait de sadique s’il prenait le temps d’y réfléchir. Il veut la faire réagir. Il l’aimerait davantage – pense-t-il – si elle se mettait en colère. Quand il la croise elle le traverse du regard.

A propos de Claudine Dozoul

Se balade entre écriture et pratiques artistiques diverses. Animatrice depuis longtemps d'ateliers d'écriture.

6 commentaires à propos de “#anthologie #16 I blessures”

  1. infliger une infime blessure, l’opposé d’une caresse, et voir ce que ça suscite, comme un drôle de jeu entre eux…
    on cherche nous aussi « à comprendre pourquoi il est comme ça avec elle. » et on visualise parfaitement la scène en quelques paragraphes si bien menés…

  2. Merci Françoise de cette lecture encourageante… je ne suis jamais certaine d’en dire suffisamment pour partager ma vision des choses…

  3. Un jeu presque pervers entre lui et elle, description efficace de ce décalage entre les deux personnages.

  4. Beaucoup de finesse dans ce texte, et de justesse. « Une brume embue son regard. Les mots lui viennent qu’elle aurait dû lui rétorquer. » j’imagine bien ce moment.