#anthologie #16 | Relever la tête

Elle va à sa rencontre. Elle ne sait pas bien comment le prendre. Quoi lui dire ? C’est l’enjeu de toute sa vie. Elle le sait . Comment une minute peut tout déterminer dans la vie d’un homme. Il est grand ; il est beau , il a seulement 19 ans . Elle lui a portant dit qu’il a la vie devant lui, que tous les espoirs sont permis, qu’elle a confiance, qu’il va leur montrer, à tous, de quoi il est capable.

Rien , il ne dit rien. Alors, elle lui dit regarde-moi au moins…. Il la regarde , une seule fois, vidé, perdu.  Elle est impuissante. Elle n’était pas là, à lui souffler mots. Il y est aller seul. Elle sent bien qu’il est déçu, déçu de lui. Il lui dit je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé. Elle a le cœur déchiré. – Mais de quoi ? il ne peut pas la regarder en face. C’est trop tôt.  C’est un homme et il pleure . Elle veut le prendre dans ses bras. Mais non. Elle ne peut plus. Il pleure. Il se tient là. Elle se tient là , près de lui.  Ils marchent maintenant côte à côte. Elle ne peut pas l’approcher, lui tenir la main, c’est un homme maintenant. Il dit juste , je suis désolé les yeux baissés, en balançant sa tête de droite à gauche. Elle lui dit que ce n’est rien qu’ Il y a des choses plus graves dans la vie. La maladie , même la mort, la perte d’un être cher…Elle ne peut rien faire , elle voudrait tellement changer le cours des événements. Il lui dit qu’il est désolé. Mais de quoi ! bon sang ! il ne dit rien… elle ne veut pas pleurer, mais son coeur saigne au fond,  se serre, elle ne sait plus , elle a mal. Quoi faire ? Elle a toujours trouvé des solutions à tout…, le protéger , le défendre…le défendre… mais là , elle ne peut aller voir personne. Il est seul face à lui-même et à la multitude , à l’anonymat.  Ils  marchent , tous deux. Il ne dit rien. Les larmes coulent. Elle essaie de le guider , encore, de lui frayer un chemin, de lui proposer une  voie de sortie. Mais il marche droit sans regarder où il va. Sa marche machinale ne le mène nulle part. Elle le guide doucement. Il s’arrête au feu, ils s’arrêtent ensemble.  Ils traversent la route. Il ne parle plus, mais se laisse faire et guider, vers la maison. Il ne veut pas de ce retour-là. D’un face à face, d’un tête-à-tête. Pour dire quoi ? Elle sait … Il ne peut plus porter ses espoirs à elle , il n’en peut plus . Il pleure… ce grand homme. Il est tellement désolé. La tête entre les mains , il ne veut pas la regarder . Il a honte. Mais de quoi ?  Elle lui dit  juste de relever la tête , de la regarder…voilà… doucement… relever la tête. Il ne peut pas. Elle reste là debout,   les bras croisés devant lui . Elle ne parle plus . Elle est juste là. En attendant , qu’un espoir renaisse, qu’il la regarde .