Tu m’écoutes ?… trois petits mots et une question et vous voilà pris la main dans le sac, rappelé à l’ordre, sommé de revenir à l’ici et maintenant, arraché à votre divagation, harponné…Tu m’écoutes ?…léger sursaut du corps…imperceptible affolement du regard qui tente de se raccrocher au visage qui attend…silence…Est-ce que je t’écoute ?… A vrai dire…maintenant que tu le dis…je crois bien que…non…oui…enfin…pas vraiment…c’est vrai…est-ce que je t’écoute ? Vaguement quand même si…d’une certaine façon oui, si, je suis bien à l’écoute mais oui, je te le concède, pas comme tu le voudrais…Tu m’entends tu ne m’écoutes pas…si si vraiment, je suis à l’écoute mais mon écoute a… glissé, oui glissé… de tes mots à la mélodie de tes mots…à leur rythme…leur façon d’emplir la pièce, de se déployer dans l’espace…j’écoute ton effort pour me mettre au courant…pour m’intéresser à ce qui t’est arrivé…car…oui…j’ai cru comprendre…à tes intonations fermes…à tes prises à parti…non, mais tu te rends compte…oui…j’ai cru comprendre que tu voulais que je comprenne bien que…et puis un mot peut-être ou un bout de ciel par la fenêtre ou le chant d’un oiseau sur la terrasse un coup de vent…un geste du quotidien …une pensée sauvage…une herbe folle… que sais-je …m’a décrochée de tes mots…de ce qu’ils racontent…pas de leur forme, non…je les vois encore arrondir ta bouche…déformer ton visage…ouvrir tes yeux et lever tes bras…je vois bien que la chose est d’importance aux replis d’indignation sur ton visage…quelques mots surnagent tout de même et me font acquiescer de temps en temps silencieusement…je sens bien qu’il faut réagir…alors je réagis…mais je m’en rends compte maintenant, à contre-temps et ça te fait friser le visage…ça te contrarie…alors…la question… tu m’écoutes ?…non…c’est vrai…pas vraiment…en fait… je ne t’écoute plus…
Un texte qui nous tient du début à la fin.
Du peps, du ‘sérieux’ et de la légèreté.
J’aime beaucoup ces deux passages : « mon écoute a… glissé, oui glissé… de tes mots à la mélodie de tes mots…à leur rythme…leur façon d’emplir la pièce, de se déployer dans l’espace » ET « et puis un mot peut-être ou un bout de ciel par la fenêtre ou le chant d’un oiseau sur la terrasse un coup de vent…un geste du quotidien …une pensée sauvage…une herbe folle… que sais-je …m’a décrochée de tes mots »
J’ai passé un chouette moment à le lire.
Merci.