#anthologie #09 | routes

Le jour où j’ai pris le chemin opposé, je n’ai pas bien su si c’était vers le nord ou vers le sud et peu m’importait la direction puisqu’il s’agissait d’aller ailleurs que ce lieu vers où sans cesse je revenais, faute de connaître d’autres lieux, un lieu de prés et routes de remaniement, mais il y avait cette route un peu plus large, la route cantonale, c’est ainsi qu’ils la nommaient, une route où les voitures roulaient plus vite qu’au village, une route qui menait vers ces noms écrits sur des panneaux bleus, Payerne, Neuchâtel, Lausanne, et si on prenait la même route dans l’autre direction, c’était Grolley, Fribourg, Berne, et il a fallu, ce jour-là, choisir une direction, mais déjà un nouveau panneau indiquait Romont, Bulle, et un autre Domdidier, Morat, et il y avait des panneaux partout, avec des noms écrits dont j’avais entendu dire parfois quelque chose par les grandes personnes, de Fribourg ne venaient que la bise et les impôts, Berne était la capitale, Morat, c’était le départ d’une course, mais peu m’importait, ce jour-là, si ces noms écrits correspondaient à des lieux réels, ce qui comptait, c’était prendre la route, et c’est ce que j’ai fait, roulant chaque jour vers un nouveau lieu, découvrant des panneaux verts avec d’autres noms, Yverdon-les-Bains, Genève, Besançon (France), mais longtemps je n’ai pas osé suivre les panneaux verts, on m’avait dit que je n’en avais pas le droit que je devais acheter la vignette mais où est-ce qu’on achète la vignette, personne ne me l’avait dit, alors j’ai continué sur les routes aux panneaux bleus, et je n’ai pas non plus traversé la frontière, à cause des papiers, même si on m’avait dit que de l’autre côté de la frontière, les panneaux verts sont les panneaux bleus et vice-versa, mais je n’avais pas compris ce que ça voulait dire, alors j’ai fait demi-tour, j’ai écumé les routes, comme on dit, j’ai roulé ma bosse, comme on dit, j’ai beaucoup voyagé sans bouger beaucoup et je suis rentré vivre entre mes parents, comme ils disent, le reste de mon âge.  

A propos de Vincent Francey

Enseignant, chanteur et clarinettiste amateur, je vis dans la région de Fribourg, en Suisse, et suis passionné de lecture et d'écriture depuis toujours, notamment via mon site a href="https://www.lie-tes-ratures.com/">lie tes ratures mais aussi sur un blog né à la suite de l'atelier d'été sur la ville : fribourgs.com. Auteur d'un livre autoédité, Je de mots, dictionnaire intime, je suis également présent sur YouTube pour, entre autres expérimentations, y parler de mes lectures.

3 commentaires à propos de “#anthologie #09 | routes”

  1. Des directions contrastantes, entre les lignes droites des routes, et l’intériorité hésitante du narrateur, ça déstabilise, on est tiraillé , merci Vincent.

  2. Belles hésitations, j’ai aimé ces noms de lieux qui me parlent ou pas, ces routes à prendre ou pas, j’ai aimé les panneaux bleus les verts et vice versa