#anthologie #14 | C’est clair!

C’est clair. Jugement sans éclaircissement, couperet idéal de l’opinion. C’est clair qu’il l’a pas volée sa situation. En même temps qu’est-ce qu’il croyait ? Et puis à dépenser sans compter, avec ce qu’il se mettait dans le cornet, non c’est clair que ça pouvait pas finir autrement. 

C’est clair. Assentiment confortable de la discussion. Oui tu as raison, je m’achète la paix discursive, je te brosse dans le sens du poil, c’est appréciable parfois les conversations si lisses qu’on y glisserait comme sur un lac gelé, mais sans risque de chute. On peut penser à autre chose, faire comme si on y était, se cacher derrière le doux masque des mots consensuels.

Ah mais c’est clair ! Petit effet d’emphase. Tu n’écoutes pas ce qu’elle te raconte mais tu en donnes l’impression, l’ajout de l’interjection ça change tout. Dans les leçons on apprenait ça. Fonction des interjections : elles peuvent exprimer l’étonnement, la colère, la satisfaction, mais aussi la douleur. T’exprimes quoi quand tu sapes l’interjection avec un adjectif si lisse ? 

C’est clair ! Alors que tu es enfoncé dans le brouillard existentiel d’une vie dont le sens ne cesse de se dérober, elle a bon dos la clarté de pacotille. Parapet de fortune, ça sert à ça aussi, les mots, tenir bon et regarder loin, bien arrimé aux phatiques mécanismes. 

C’est clair ! Ben oui tu vois ils en ont marre les gens, alors faut pas s’étonner du vote. 

C’est clair qu’on va dans le mur, mais l’évidence devient alors douloureuse et elle n’a plus qu’à se taire. 

A propos de Marie-Caroline Gallot

Navigue entre lettres et philosophie, lecture et écriture.

4 commentaires à propos de “#anthologie #14 | C’est clair!”

  1. … c’est tellement  » clair » qu’on y voit plus rien….heureusement que ce mot nous offre dans d’autres emplois poétiques sa belle lumière , merci pour cette mise en mots d’un brouillard verbal qui finira par se dissiper, merci j’ai aimé!

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