#anthologie #11 | Départ de Caen

Il faudra mettre des noms sur les choses Les lumières de la ville je sais plus ou moin. Et la nuit je sais aussi Enfin il m’est arrivé oui de rentrer à la maison de nuit L’hiver c’était tout le temps comme ça On rentrait de l’école On traversait le village Je peux dire le nombre des réverbères sur le chemin Il y en avait cinq dont un qui clignotait Mais la nuit d’aujourd’hui Je ne sais pas Les lumières non plus C’est quand même le fouillis toutes ces lumières à l’extérieur des pancartes des affiches des phares de voiture des réverbères tant que je ne peux pas les compter Le train quitte la gare de Caen Il y a Paris au bout Dans deux heures on arrive à Paris Un ami de papa nous attendra C’est le terminus on dit Je n’aime pas ce mot Je ne le trouve pas sérieux Ce mot se moque de nous On dirait un mot de cirque J’aime me voir dans la vitre du train Et c’est pratique aussi pour voir les autres Je vois le visage de ma mère qui glisse sur les gens debout sur le quai Puis son visage glisse sur une grosse maison où l’on voit des fenêtres allumées d’autres non Avant je me disais que ça devait être drôlement bien de vivre dans une maison en ville Pas de toilettes dans le jardin Pas d’eau qui gèle On doit s’y sentir tout au chaud serrés les uns contre les autres À Paris on habitera dans un immeuble Je ne sais pas ce que c’est Jeanine dit que c’est plus grand que la mairie et plus grand que l’église mais elle n’en sait pas plus que moi dans le fond Comment elle saurait ça Maman dit qu’on fera pipi sur le palier avec les autres voisins Finalement je préfère peut-être sortir dans la cour On traverse des champs Parfois la lumière du train se reflète sur un talus Je reconnais aussi les petites maisons des gardes-barrières Il y en avait une sur la route d’Avranches On poussait jusque-là pour aller au mûres Quand on traversait les rails, on ne se disait pas qu’on montrait dans un train un jour ou alors beaucoup plus tard avec notre amoureux, dans très longtemps Au premier tunnel on a tous sursauté ça faisait un bruit de vaisselle cassée Pendant longtemps on ne voit pas grand-chose derrière la vitre Marie s’est endormie Guy est assis sur les genoux de maman Je regarde dehors mais c’est moi c’est ma famille que je vois On arrive à Paris dans deux heures

A propos de Pedro Tarel

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