#anthologie #12 | La double négation

Comment ne pas ne pas? Bien sûr, bien sûr.

On avait probablement traversé au moins un désert à mes yeux d’enfants avant d’arriver dans cette ville dont j’ai fait tout un quartier de mes rêves mais dans lequel je retourne rarement. Je sais tout juste qu’il y est. Et rien que cette pensée me fait du bien. Cette pensée me dit qu’il restera un morceau de ça dedans qui agira. Cela étant, je ne maîtrise pas dans quelles mesures les images restantes impriment ce qu’on appelle pompeusement « souvenirs » mais qui ne sont que recréations perpétuelles, les couleurs toujours plus chaudes en l’occurrence, les ombres toujours plus pénétrables et enveloppantes, rassurantes par leurs existences fantasmées, un endroit où se cacher dans lequel des femmes et des hommes et des enfants vous accueillent sans vous poser de questions.

Fès

Ma mère avait emmené des cassettes audios, l’ancêtre du CD, aïeul du lecteur MP3, trisaïeul de la playlist TuTube. L’image qu’il me reste avec le son dedans, c’est la R21 Nevada gris métallisé qui fend le désert avec au choix les voix de Michel Sardou ou Edith Piaf qui sortent des enceintes et vont se perdre dans le désert. Je suis toujours derrière le siège conducteur, toujours. Ce que je n’avais pas anticipé en choisissant cette place, c’est que j’ai toujours vu sur ma mère. Tant pis.

Comment ma mère a réussi à faire traverser son désert à un soupçonné espion marocain, père de deux de ses filles, en lui balançant du Michel Sardou et du Edith Piaf plein pot dans les oreilles? Il y a des êtres qui sont capables, pas par intelligence, malheureusement pour ma mère qui ne rêvait que d’être reconnue pour sa grande supériorité en la matière, mais par leurs parfaites inconsciences des noeuds gordiens en présence à les couper net d’un trait tout en les exposant au Soleil le plus brûlant et faire potence à toute tentative de récupération. Certes, certes. Je reste admirative, tant pis pour mon psy. Tant pis pour moi.

L’aéroport de Southampton. Pas longtemps, juste le temps des premiers pas à l’extérieur pour fumer une clope. Regarder le sol et se dire « là, je suis partie, ça y est, cette terre sur laquelle sont mes pieds est différente, là je peux! Je ne reviendrai plus jamais! ». Et revenir, bien sûr, bien sûr, les queues entre les jambes. Mais que cette clope fut bonne.

Shangai. Pas de tréma. Pas mis les pieds. Un jour il faudra. Ou pas. Pourquoi m’infliger tout ça?

A propos de Alexia

Chercheuse par diplôme (Master 2, 2018) en littérature anglaise du 20ème siècle à Tours, indépendante car pas rattachée à une université pour l'heure, je fais des mousses au chocolat, des îles flottantes, du pain perdu caramel, des meringues, des crèmes brûlées...un jour, j'arriverais au niveau de la tarte au citron de Blanche!!! je l'aurais un jour!!! je l'aurais!!! En attendant, j'épluche aussi des pommes...

2 commentaires à propos de “#anthologie #12 | La double négation”

  1. Lu! La relation conflictuelle qui se tisse avec la mère depuis la place arrière dans une voiture est très forte, on y est, et le paysage qui se dessine ainsi, et aussi le rendez-vous (manqué?) avec Southampton! Du coup on a envie aussi de Shangaï. Merci, Alexia, poursuis!