Fouille de mon sac avant de prendre l’avion à Paris. L’homme m’accompagne jusque sur mon siège pour s’assurer que je ne vais pas commettre un acte malencontreux ou je ne sais quoi, avant ou pendant le vol. A mon arrivée, interrogatoires par cinq femmes et toujours les mêmes questions. Je rejoins un metteur en scène palestinien et suis en train de comprendre que je n’ai pas assez pris la mesure de cet acte. Arrivée à Tel Aviv dont je n’ai aperçu, par le hublot, que les lumières de la nuit, puis, voyage en voiture, jusqu’aux territoires occupés de Jérusalem. Aucun souvenir de cette route sauf la vision nette d’un grand écran sur une colline où un film, des images de nature pornographique sont projetées. Un appartement ou une maison ? Je ne sais plus très bien. Il n’y a pas d’eau chaude, pas de télévision, pas d’électricité et seul le chant du Muezzin me rassure lorsque je me réveille. Le vide du lieu, peu de meubles, des matelas par terre, des livres mais pas d’étagères, pas de bibliothèque, pas de portes, aucune intimité. Je le suis, lui, l’homme que j’ai choisi de venir visiter dans son pays. Le jour, habillée de la tête aux pieds et constamment entourée, il y a ces marches à travers la ville magnifique. A la nuit tombée, la découverte d’un monde poétique et théâtral dans des lieux épurés où, éclairés à la bougie, un ou des poètes jouent et récitent des textes ; je me souviens de l’ombre de leurs corps qui se projettent sur les murs blancs et par les fenêtres, les ciels et les toits des mosquées. Le jour, la chaleur écrasante, les trajets en voitures sur les routes poussiéreuses, les arrêts forcés à prouver mon identité, les armes, la brutalité et la colère. La nuit, le sel de la mer morte collant sur ma peau mouillée, la lueur de la lune, l’odeur des joints et le goût des pois chiches et du pain dans mes mains. Je me souviens de mon amour, de ma jeunesse, mon insouciance et mon ignorance dans cette ville plus que déchirée.
Presque la sensation de parcourir un magazine Ikea en longeant les jardins immaculés de ce petit coin en Suède où la nuit oubliait de tomber. Pas un jouet, pas une brouette, pas l’ombre de quelque chose qui pourrait flancher, faire tâche, ou déranger. Tout était si propre, si net sur ces pelouses vertes et brillantes qu’on n’aurait même pas osé s’y asseoir. Beauté et étrangeté. Est-ce que les voitures pouvaient être sales, les bottes crottées ou les mains des enfants noires d’avoir joué ? Déjà, dans l’avion, les hommes et les femmes étaient grands, blonds aux yeux bleus et les premières maisons en bois correspondaient au blanc des meubles qui les habitaient. L’eau des lacs étaient glacés mais limpides, les hôtels luxueux, les spas délicieux. Heureusement, il y avait les moustiques qui piquent inlassablement à travers les vêtements, véritable cauchemar vivant qui donnait enfin à toute cette perfection, un goût d’humanité.
Je n’aime pas spécialement ces villes du Nord où je pars travailler ; je ne les trouve ni jolies, ni charmantes, ni l’envie d’y rester pour y habiter. La plupart du temps, elles me semblent sinistrées, abandonnées, mal desservies, emplies de parkings à trous, de Mc Donald ou de Kebabs et de laveries cassées. Les routes sont mal faites, les vitrines des magasins pas éclatantes, les PMU pas accueillants et le moindre hôtel, assez désuet. Je n’aime pas leurs spécialités ni le goût de leurs bières ni leurs parcs sans forêt. Je n’ai pas envie de vivre leurs festivités, ni découvrir leurs géants, ni manger du maroilles. Je ne veux pas monter sur des quad ou danser à la Ducasse et jamais je ne boirai la genièvre. Rien de tout cela ne me fait les aimer et, pourtant, chaque année, j’y retourne.
Trois ambiances bien contrastées dans ces traversées aux visions sensibles et personnelles . J aime bien dernier texte et sa chute . Merci .