#anthologie #11 | retour

j’étais en retard pour le rendez-vous qu’on s’était fixés dans un café parisien près de Il pleuvait La route était mouillée et la nuit tombait la ville brillait comme une boule à facettes les éclats de lumières aveuglaient Et le froid humide qui glaçait les os J’ai garé la voiture devant le rideau métallique baissé d’une vitrine d’agence immobilière on ne cherche pas de maisons la nuit La pluie et le froid C’était seulement la seconde fois qu’on se voyait et pourtant Je ne savais pas à quoi m’attendre je ne savais pas si Un homme qui décide de revenir en arrière Je ne savais pas si je devais m’attendre à rencontrer un homme différent La ville scintillait comme un arbre de Noël Dans mon enfance je me souviens des arbres de Noël et des lumières clignotantes Je suis entré dans le café avec une bonne demi-heure de retard il y avait du monde Il n’était pas là Peut-être parti ou pas encore arrivé je me suis assis à la seule table libre j’ai commandé Le serveur portait des grandes moustaches en guidon de vélo Les cafés parisiens sont parfois des endroits où le temps reste en suspens J’ai bu la première gorgée de mon demi en posant mes lèvres sur le bord du verre à travers la mousse blanche Une moustache blanche J’ai ouvert le journal posé devant moi Lendemain d’élections L’impression de revenir en arrière J’attendais un homme qui avait décidé de revenir en arrière dans un lieu où le temps était en suspens et le pays sur le point de revivre une des situations politiques les plus noires de sa récente histoire Il est entré il avait changé il était plus Son blouson perlait la pluie avait redoublé il n’avait plus le chapeau mou qu’il portait la première fois où on s’est rencontrés il avait les cheveux plus courts mais Il souriait Il paraissait plus jeune Lorsqu’il est venu s’assoir à ma table j’ai compris que la lumière n’était pas étrangère au frisson qui me parcourait La lumière du dehors qui scintillait la lumière jaune de l’intérieur du café qui se reflétait sur les montants en laiton du comptoir et sur la surface du grand miroir de derrière Son visage et ses cheveux étaient encore trempés de pluie Il brillait Il a posé sa main sur mon épaule avant de s’assoir face à moi comme si on se connaissait depuis toujours On s’est regardés et il m’a dit Il aurait dû faire ça bien avant Décider de tout arrêter et de revenir en arrière pour repartir de zéro Je lui demandais où Encore en train de reculer ou déjà reparti vers une autre destinée Il a encore souri Il revenait encore sur ses pas et c’était la meilleure sensation Il m’a demandé pour moi Je lui ai montré le journal je ne souriais pas. Je lui ai dit que je préférai arrêter le temps plutôt que de revenir en arrière.

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

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