tu avances les yeux fermés, tu avances, porté par des mains invisibles qui te soulèvent, t’emmènent hors de toi-même, tu avances dans la nuit, fantôme de désir d’autrefois, tu avances dans l’air irritant, piquant la gorge, coinçant les mots au fond du gosier, tu ne sais plus où te rendre pour voir le jour se lever, tu ressasses beaucoup trop, tu ne vois rien venir, rien devant toi, tu marches la tête à l’envers, tu te cognes, la nuit tombe sur le monde, tu observes sans ciller, étonné, effrayé, sidéré, tu t’enlaces, les bras autour de toi quelques instants, tu te réconfortes, tu ralentis l’intérieur, expiration, tu te tais, l’incertitude monte malgré le décor familier, tu ne reconnais plus ce corps, le poids des années l’a fait plus lourd, tu avances, tu ne veux pas t’arrêter, tu ne reconnais plus le monde, il te rappelle tes leçons d’histoire, tu ne veux pas de ce monde-là, ton corps s’arrête, se bloque, refuse tout mouvement, t’oblige à t’allonger, tu ronges ton frein, tu attends que la douleur passe, tu vois le monde avancer sans toi, tu te lèves, chaque pas est une conquête, tu refuses le regard de l’autre, tu avances, tu ne veux pas t’arrêter, rien ne t’arrêtera.
je trouve vraiment fort, cette densité dont on parlait l’autre jour, comme tout comprimer dans les mains pour forcer les harmoniques à sortir
le rythme fort nait de la nécessité (pas un mot à enlever)
Merci François, merci Tristan
Rétroliens : tu avances – Khedidja Berassil – Fictions à partager