#anthologie #04 | Une maison à feuilleter

1

Un livre escalier. Un probable.

Une maison à feuilleter.

Je respire mieux si je sais que tu dors à l’étage.

2

J’ai vu une maison gonflable gonflée. C’est important sinon on ne peut pas tenir ni debout ni couché.

3

Le chat n’aime pas déménager. Dans toutes les villes un chat au moins. Où que j’habite je m’emploie à en côtoyer un à en caresser un à l’appeler en vain. Dès que j’arrive. Dès que possible.

Et qu’on parle de la qualité de la présence d’un chat sur le canapé sur le lit près de la cheminée même quand il est absent devrait nous alerter.

4

Habiter le chemin de mon école. Serait revisiter ce sol foulé on ne peut pas compter. La peur au ventre on peut compter. A cause des histoires racontées vraies et fausses. De ce qui attendait dans le bois. Un homme oui. Un loup jamais. Et refaire le chemin serait secouer des clochettes qui aimeraient faire la pluie le beau temps et redessiner le labyrinthe de mon enfance.

5

Habiter de passage. C’est ce que je peux aimer très fort et qui pourrait m’épuiser. Au réveil mon premier plaisir c’est l’odeur du café. Qui n’est jamais la même ni chez Julia, ni chez Victor ni chez ma grand-mère. Et c’est la porte d’entrée dans leur univers leur intimité leurs disputes leur matin froissé leur jardin humide leur journée encore défroquée. Ma nuit a augmenté l’odeur de l’oreiller. Il y en aura d’autres. J’aurai contribué.

6

Habiter le nécessaire.

Habiter sans ironie.

Habiter inviter.

Habiter plus que nécessaire.

Habiter ne pas s’en vanter.

Habiter aux coquelicots.

Habiter déverser à petits pas.

Habiter repeindre de mots galants surannés.

Habiter aux abois.

Habiter creuser.

Ma forêt.

7

Je suis nulle part chez moi. C’est la moindre des choses. Je suis valise à roulettes pour préserver mon dos sauf dans les remontées non mécaniques dans le métro. Alors je regrette mon sac-à-dos. Il faut aimer voyager pour le faire. Il faut aimer le mouvement plus que l’attachement pour y aller et sans se retourner. J’ai dans ma vie beaucoup déménagé. Et je ne peux pas dire que j’ai eu plusieurs vies ce serait trop facile. Une vie une seule qui en contient à ras bord et à rebours c’est possible déduction faite de la nostalgie qui ne m’habite pas au risque d’en crever.

Je suis de nulle part et pour cette raison je peux y aller.

Allez j’y vais.

8

Je n’habite pas Madagascar.

Mon père est né à Madagascar.

Mon père a grandi à Madagascar.

Mes parents se sont rencontrés à M.

Un jour mon père a quitté M.

Un jour il s’est marié à ma mère et ce n’était pas à M.

Ma sœur et sa fille sont parties pendant une année sillonner M.

A Madagascar ma sœur et sa fille sont allées danser autour des tombes de nos ancêtres.

A Madagascar il n’est pas possible de reconnaître la maison d’enfance de mon père.

A Madagascar tout le reste est possible.

9

Habiter et ne pas l’ébruiter.

10

Habiter : mettre à l’épreuve ma capacité à rester.

6 commentaires à propos de “#anthologie #04 | Une maison à feuilleter”

  1. C’est magnifique comme tout ce que tu écris ! ça me parle, ça me touche. Bravo !