#anthologie #07 | Chambre/porte /fiction

#anthologie# 07  chambre/ porte/ fiction

CHAMBRE d’hôtel / PORTE

AVANT-HIER :  Même hôtel que pour les missions précédentes. Au rythme de tous les 15 jours hors vacances dites scolaires.

Même motifs fleuris et sombres des tissus, rideaux et taies d’oreiller décoratives ; même mobilier.

Pas forcément le même étage.

Me dire que cette pause régulière permettra de produire par écrit sur l’ordinateur ce qui me passe par la tête.

Une table ronde juste pour y ouvrir mon ordinateur portable, la souris ergonomique, une ou plusieurs fiches cartonnées roses où il m’arrive d’emprisonner quelques mots clefs.

Un long meuble étroit supporte l’écran plat muet et sans images, une bouilloire deux tasses une lampe ventrue qui restera éteinte le temps de reposer l’esprit, relâcher le corps.

Un vaste lit flanqué de tables de chevet droite et gauche, chacune porte la lampe identique à la première qui s’est imposée à la vue.

Elles resteront éteintes encore jusqu’à l’achèvement d’un temps de déconnection du déroulement incessant des pensées.

La porte de la salle de bain entrouverte diffuse un filet de lumière jaune

Il reste de faibles lueurs du soleil qui décline.

J’éteins la lumière de la salle de bain

Ca gratte dans le placard ? comme dans un roman de Jean RAY.

Volontairement ou non un petit voyage dans le temps- passé, sans destination préétabli. Je suis là et ailleurs tout devient flou et sombre

Les espaces réduits ont la faculté comme par magie de me transporter à d’autres moments, sous d’autres latitudes, dans d’autres pièces impressionnantes, de taille réduite ou pas

Au bon gré de l’inconscient ce gratouillis qui n’existe sans doute pas pour de vrai a décidé de me ramener vers une angoisse ressentie devant des meubles monumentaux de l’espace de vie qui m’avait été assigné dans une ville médiévale

En ce temps -là mon journal de route se griffonnait à la hâte sans véritable structure ni intention. Pas d’ordinateur portable. Il y a plus de 35ans.

Aspiré dans l’espace-temps vers cette pièce d’ailleurs et d’autrefois dotée d’un très haut plafond.

Les couloirs pour y accéder sont froids la minuterie souvent en panne c’est l’hiver la chambre comporte un large radiateur en fonte.

L’armoire classée d’un bâtiment digne d’un monument historique. Le plancher en bois dégageant du mystère comme tout le reste de cette vieille bâtisse. Cette atmosphère inhabituelle pour moi dans ma jeunesse avait réveillé des réactions primitives qu’infligent les contes et histoires à faire peur

 Période d’incertitude de soi-même, vulnérable devant cette armoire où peuvent tenir debout des hommes de 2 mètres pourquoi si grande, si haute ? Pencher le cou en arrière pour voir la corniche travail minutieux d’ébénisterie d’art.

Béquille d’armoire et clef longue, tout en fer forgé

Angoisse, urgence à regarder si aucune créature ne s’y est glissé.

La clenche est lourde, les portes grincent, sinistres

Il y a plus 35 ans …

Je suis dans la pénombre dans un hôtel de la chaine K… la climatisation est en route.

HIER :  ayant sans doute attrapé le COVID la nuit est tombée sur moi frissonnant de fièvre, délirant peut-être tout en regret comme souvent, confronté à ce qui n’est pas accompli, j’imaginais un petit personnage sans visage précis qui réclamait qu’on achève son histoire juste amorcée respirant tout comme moi faiblement -là quelque part…

D’autres espaces se brouillent avec cette chambre.

Le corps flotte, le défilé des images mentales passe à toute vitesse.

L’obscurité intense a enveloppé tous les meubles et objets autour de moi

Sans grande énergie en fronçant les yeux pour accommoder je distingue à peine quelques vagues formes qui m’aident à m’orienter et m’indiquent les interrupteurs.

Toute la nuit je la passe agité et malmené par le covid dans sa forme plus légère mais secoué de toux et frissons et courbatu par le mélange des idées, des douleurs vagabondes et des mots.

Le LENDEMAIN SOIR résurgence des symptômes maintenus la journée par le paracétamol

Un même personnage dont le récit est resté en suspend respire on dirait sous le lit.

On vérifie ou pas ?

Le concept de l’inachevé qui proteste et insiste pour que je m’en préoccupe.

Dilatation de l’espace, métamorphose de la matière et des objets autour de soi.

La clef de la chambre est plate le numéro gravé sur une petite plaque de plastique

Cela se passe maintenant comme jadis il y a plus de 35 ans.

Je me penche, tord le cou à avoir le vertige la main relevant les pans de draps

Mécanisme de réassurance, automatisme du même ordre que ces gestes répétés pour débusquer d’éventuelles intrusions d’insectes, scolopendres, ou autres perdus dans nos espaces de vie.

Ainsi éviter les morsures surprises des monstres de ses propres regrets ou manquements.

Je crois distinguer comme une masse inquiétante, qui semble frémir.

Jean Yves LEBORGNE