#anthologie #08 | La visite

je découvre en face de moi, de l’autre côté de la table, Kafka, me regardant fixement. J’avais déjà eu la visite de Pessoa, mais celle-ci m’enchante outre-mesure, car il cligne un peu des yeux et a un léger tic sur le coin supérieur gauche de sa lèvre, alors qu’en Pessoa rien ne bougeait.  Bonjour, je lui dis, et, pour le flatter, je lui adresse les plus beaux compliments. Il continue de me regarder sans répondre, j’essaie de découvrir où sont ses mains, mais, de l’endroit où je me trouve, je ne peux les apercevoir. Et pourtant une volonté impérieuse me prend de voir ses mains et comme il ne me les montre toujours pas, je me lève et fais le tour de la table pour y jeter un coup d’œil ; c’est là que m’aperçois que devant moi se trouve une moitié de Kafka qui va de la tête à l’abdomen et qui lui coupe les bras aux poignets. Saisie d’horreur, je commence à le plaindre de l’état misérable où il se trouve. Il décloisonne enfin ses lèvres et se met à prononcer des sons qui ne sont ni langage, ni plaintes, rien de compréhensible en somme. Et puis il se met à rire en montrant des dents affreusement laides et pourries. Je me dis, cela ne peut pas être Kafka, je me suis trompée, bien-sûr, c’est une plaisanterie de mauvais goût. La créature devant moi hoche la tête comme pour me donner raison, pendant qu’elle continue de se tordre de rire.

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

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