#anthologie #08 | s’échapper

Comme toi que je regarde tout bas
Comme toi qui dors en rêvant à quoi
DjiDjiGé Comme toi

sois au moins conscient que mon cœur peut se fendre
(j’adore) Jane Birkin Quoi

la petite porte est là, sur ma gauche, et ils ont oublié de la fermer – une petite porte de bois, qui baille – il fait nuit, tu sais il fait tellement nuit – tellement – l’heure, le jour, la météo oui, tiens oui, la météo : quel temps fait-il ? Est-ce que c’est important, je me glisse dans l’entrebâillement, tout est calme, il fait bon, c’est la nuit, calme claire longue douce tranquille il fait doux – j’ouvre, je passe sous les livres en bibliothèque, j’entre et je sors – c’est un endroit que je ne connais pas – c’est là, il y a non loin, par là vers la gauche une baie vitrée qui donne sur un jardin – il n’y en avait pas dans l’appartement de la via Forte Trionfale – où sont-ils donc tous et toutes ? J’avance dans le couloir, dans la chambre, à droite, ils dorment comme des enfants – j’avance la porte d’entrée est fermée mais les clés sont sur le côté, je les prends, j’ouvre fais jouer la serrure et m’en vais – un étage je descends et je suis dehors – c’est un quartier que je connais, juste à côté de cette église et de ce supermarché oui – il fait jour d’un seul coup, les gens sont là, vaquent courent vont viennent je les vois ils ne me voient pas ne me regardent ni ne me parlent – là pourtant, Eleonora est là avec les enfants, je crois que j’essaye de crier – je voudrais me faire voir et entendre mais quelque chose ne va pas – quelque chose dans l’air a cette transparence – pourtant, il y a le vent qui les feuilles et les branches qui bruissent – je n’en sais pas assez sur le monde, j’ai bien réussi à comprendre élucider analyser déduire et circonvenir j’en suis toujours un peu au même point : les gens, les femmes et les hommes, et ces entités autres qu’eux les gouvernements : devant un miroir, est-ce moi ? Je me regarde, je porte des habits, mais ce ne sont pas les miens – pourtant oui, c’est moi – c’est bien moi, dehors il n’y a pas d’ombre, les gens sont sans aspérités ni volumes il fait doux tranquille et calme dehors et sur les routes de bitumes glissent les automobiles – je ne reconnais plus rien, j’avance et marche moi aussi je glisse et cette église pourtant, oui, j’y entre, l’ombre est là simple et tranquille douce et ouatée comme si j’y allais le trouver – il y a quelques lumières des veilleuses qui se souviennent de tous ces morts et j’ai vaguement le sentiment que moi aussi – c’est étrange comme il fait froid, il y a là une petite porte, toute petite cachée menue dissimulée anodine je la pousse, c’est une pièce, la sacristie sûrement à l’intérieur des vêtements d’or et d’apparat – j’entre et les cris percent le monde, des cris, des hurlements
dans ma cellule, il fait tellement nuit
non, ce n’était qu’un cauchemar

A propos de Piero Cohen-Hadria

(c'est plus facile avec les liens) la bio ça peut-être là : https://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article625#nb10 et le site plutôt là : https://www.pendantleweekend.net/ les (*) réfèrent à des entrées (ou étiquettes) du blog pendant le week-end

11 commentaires à propos de “#anthologie #08 | s’échapper”

  1. on prend les clés et on ouvre la porte avec toi
    et puis on déambule, on ne sait pas où on va… mais où sont-ils tous ? il fait si doux et si calme
    « Oui, j’y entre, l’ombre est là simple et tranquille douce et ouatée »
    finalement peu m’importe la chute…
    merci Piero

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