#anthologie #07 I A contre nuit

un lit une nuit un téléphone un pouce je me redresse je cale le dos sur l’oreiller j’écris un homme respire à mes côtés j’écris sur les heures volées au repos loin des agitations du monde  j’écris ce que je ne sais pas entre veille et sommeil la respiration apaisée de l’homme qui dort à mes côtés m’aide l’écran de l’iPhone éclaire comme un phare je plisse les yeux face à la lumière blanche j’attrape mes lunettes sur la table de chevet mon pouce droit fébrile imprime sur le clavier tactile des lettres miniatures elles forment des mots des lignes des phrases des paragraphes l’obscurité gomme les murs les meubles les tableaux les plantes de la chambre seuls les yeux réfléchissent les lettres une à une les effacent les reprennent pour raconter ce que j’ignorais l’instant d’avant je m’émerveille en écrivant des blocs de texte qui naissent d’un si petit clavier 26 lettres c’est peu pour tenter d’attraper la complexité du monde 26 lettres et tous les agencements possibles avec juste un pouce en mouvement guidé par des yeux plissés j’aime écrire au creux de mes insomnies quand tout dort je veille j’écris à contre nuit sur un écran blanc jusqu’au moment où le monde soudain entre par la fenêtre ouverte avec ses chants d’oiseaux un soleil levant se faufile entre les lattes des volets clos révélant les murs les meubles les tableaux et les plantes l’homme se réveille mon pouce s’immobilise je retire mes lunettes les pose sur le chevet avec le téléphone j’aplatis l’oreiller m’allonge et me rendors

A propos de Françoise Guillaumond

Ecrivain, directrice artistique de la compagnie La baleine-cargo sur Wikipedia, ou directement sur la baleine cargo.

10 commentaires à propos de “#anthologie #07 I A contre nuit”

  1. J’aime « j’aime écrire au creux de mes insomnies quand tout dort je veille j’écris à contre nuit ». Quelque chose de l’engagement du corps est très présent. C’est physique. Merci Françoise

  2. écrire à contre nuit, quelle magnifique trouvaille…
    nuit et écran lumineux
    et je comprends que ça plaise à Gilda qui ne dort presque jamais !…
    tu as raison, c’est peu 26 lettres, mais avec elles tous les chants d’oiseau…

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