#anthologie #05 | La femme oubliée

Oubliée la mort m’a oubliée dès mes premiers jours emmaillotée sous la veste de suif fumée et sueur de mon quatre fois père livrée dans la montagne aux tétons de la pauvresse à nourissons grande pourvoyeuse au cimetière de bébés trépassés ma mère renvoyée seins gonflés à la filature une fille comptait moins qu’une journée de sa paye de dèche. 
Oubliée encore dressée sur mes jambes de nonagénaire pourtant pas ménagées éplucheuse peigneuse fileuse de schappe comme celles de ma vallée puis partie à la ville bonne chez les bourgeois vendeuse ouvrière cantinière toute une vie à gamelles hautes comme des bidons.
Je me suis faufilée j’ai ri par derrière toujours par derrière la mort vient par devant obéi les madames à coulisse les chefs à aiguillettes braguette éprouvettes épouvante bien sûr merci dure à la tâche évincée même par la mort.

A propos de Aline Chagnon

Ce qui me passionne dans l'écriture, c'est l'expérience, le chemin.

2 commentaires à propos de “#anthologie #05 | La femme oubliée”

  1. passionnée de chemin, vous dîtes
    et bien en voilà un de chemin et ça me retient, ce chemin là si éprouvant depuis l’emmaillotement
    merci Aline…

  2. Je n avais pas eu le temps de lire ce magnifique texte . Merci . Pour ce moment .