#anthlogie #04 | HABITATS HABITéS/ HABITER ou non

HABITATS HABITéS/ HABITER ou non

Habiter textes fragmentés sans lien

1 /  Des exilés « politiques » avec au fond du cœur l’espoir de rentrer chez soi.

Bien heureux ceux-là qui n’ont pas connus les geôles ni la séparation

Les parents et les 3 enfants sont ensemble, ils sont en bonne santé sont intégrés dans leur pays d’accueil.

Peut-être un changement de régime politique ?

Peut-être le retour d’une vraie justice ?

Le père, la mère entretiennent obstinément l’idée du retour, l’idée de faire famille et d’avoir son foyer, la sécurité, une maison, la liberté.

Lutter contre la dépression et l’amertume. Garder de l’optimisme.

Alors on déploie à chaque moment de nostalgie le plan vaste comme un monde de la future maison, le père lisse les plis du précieux documents, soigneusement.

 Le plus jeune dit :

    —on joue à quand on sera dans notre maison.

Mais c’est davantage qu’un jeu

Le plan avec les côtes, le tracé des cloisons. Le plan à des reflets violacés

Quatre chambres volontairement grande une immense pièce commune à vivre. Deux salles de bain  

Elle est prévue de 120 mètres-carré. Des amis sûrs et la famille suivent le chantier à leur place depuis tellement longtemps, au rythme de l’argent envoyé par différents canaux.

   —C’est celle -là la mienne, c’est ma chambre… ils se répartissent les espaces

   —Et là, je mettrais ma salle de sport , et moi ma barre de danse classique. Ils sont en primaire ou au collège sont inscrits à des activités. Dans leur maison ils veulent des zones pour leur passion actuelle

  • Sors de ma chambre
  • En virtuel ils fantasment tous ensemble agençant, meublant, décorant par la force de l’imaginaire. Ah ! les bienfaits de la visualisation.

On choisit les coloris. On y passe plus d’une heure à se mouvoir dans les pièces virtuelles à s’y relaxer, regarder des films y recevoir des copains. Tenir mondanités ou réunions.

Viens l’heure de se coucher tout le monde même les grands vont paisiblement habiter dans leurs rêves

2/ Frère et sœur n’ont pas eu la même vie l’une à fait sa vie de l’autre coté de l’océan.

D’abord dans un pensionnat elle n’a jamais oublié son petit frère resté bloqué sans avenir sans perspective. Dortoir, couvre-feu. Permission de fin de semaine chez les correspondants. Là elle a trouvé une chambre petite mais accueillante un couvre-lit au motif madras. Un tapis en pied de lit une table de chevet. La salle de toilette est au bout du couloir

L’année d’après, son mariage et une vie d’étudiante en plein Paris avec son mari la maison communautaire (maison de passe réhabilitée) avec des miroirs encore au plafond dans certaines chambres. Etudiants français, grecs, africains, malgaches.

Dix après, c’est le retour au pays.

Elle trouve un morceau de terrain familial obtient l’autorisation des anciens de la famille et fait installer une petite case une pièce unique les commodités à l’extérieur rudimentaire pour son frère.

Il lui en est reconnaissant, certes, mais il a tellement souffert.

Il a touché aux drogues dures, il a squatté des endroits sordides

Il lui en veut toujours de l’avoir abandonné.

Elle fait de son mieux pour le soutenir, elle essaie de l’aider. Le minimum pour sa sécurité un bon matelas, un gazinière etc.. un coin à  lui.

Il reste dans le reproche la haine de tout l’habite, l’autodestruction le guette.

La petite case est pour lui en attendant…

3/ Vouloir cohabiter

A la force du poignet son salaire de fonctionnaire. Elle a vu ses 2 enfants grandir.

Ils ont bien réussi.

Elle est veuve.

Elle agence sa maison entretient elle-même son jardin Elle veut que sa vielle mère habite chez elle. Son coin sera bientôt prêt.

Elle a tellement voulu remercier et honorer sa mère. Pourtant leur rapport ont toujours été difficiles.

Des photos de jeunesse de sa maman qu’elle a fait agrandir, une lampe à pétrole pour la décoration, un coin cuisine et des multiples rangements pour les souvenirs, sa Télévision.

La photo encadrée de son fils adoré trop tôt disparu d’une tumeur au cerveau.

Communiquant par un corridor percé pour faire la jonction l’idée retenu est une extension

Une entreprise a surélevé l’extension qui se monte rapidement. Les ouvriers sont sérieux et efficaces ; les sols sont isolés les planchers imitation carreaux.

La charpente est solide et apparente.

Elle a soigneusement choisi une salle de bain « design »,  un vasque imitation marbre tout en arrondi. La douche à l’italienne (aucune margelle pas de chute) avec un très large pommeau pour l’effet pluie

Une belle et grande pièce. Sa Maman sera parfaitement autonome

Elle est venue voir à la fin des travaux il restait quelques finitions à faire. Elle a approuvé en ronchonnant un peu.

Elle a finalement accepté de faire un premier séjour. Prétendant qu’elle n’est pas encore tout à fait prête à quitter sa location où elle habite depuis 30 ans !

Sa fille s’est pourtant « bien décarcassé » elle a multiplié les astreintes, remplacé au pied levé, compté chaque euros, surveillé les promotions et veillé à la qualité des matériaux.

4/ Habiter son corps, contrainte parfois !

Une lutte avec son corps Les années l’ont trop alourdie, son mari le lui a signifié très tôt. Mais le stress, les contrariétés, le mal-être, un fond de déprime, les médicaments qu’elle aurait dû refuser de prendre. Beaucoup de causes

 Ce corps qui enfle à vue d’œil, aucun régime ne l’a aidé elle ne peut plus courir depuis longtemps, habiter ce corps la désespère, elle se laisse aller.

Elle s’habille large, dans ses habits amples son esprit qui y habite étouffe de complexes

L’enveloppe de chair se distend, les chairs ne sont plus fermes.

Son esprit aspire aux voyages , aux vacances mais « la carcasse » ne suit plus

La taille s’épaissit et l’abdomen déborde

Surpoids, obésité, plan de santé publique les slogans s’affichent partout dans les centres spécialisés, dans les salles d’attente. Des instituts se multiplient.

 Non à la chirurgie mutilante. Oui aux thérapies et aux changements profonds d’état d’esprit.

Ecrire un nouveau bail avec son propre corps, respectueux

Habiter de plein- pied  ne plus avoir à s’essouffler ? pas forcement , déménager pour mieux habiter un nouveau corps et se mouvoir. Se reprendre, se motiver, changer de forme, s’aimer enfin.

5 / Habiter trop loin de la fac

N’avoir pas le choix accepter pour l’urgence ce lit au matelas défoncé cette commode qui ferme mal. Difficile début dans la vie de jeune adulte premier éloignement du cocon parental.

Une salle de bain dont les murs cloquent sous une peinture refaite à la hâte.

L’éclairage est insuffisant pour travailler la nuit tombée.

La logeuse bizarre qui s’autorise à rentrer sans vergogne quand elle est en cours.

Se plaindre à ses parents qui l’enlève de là

Partir enfin et déménager ses maigres affaires. L’assistante sociale du CROUS lui a trouvé une chambre au village universitaire.

6/ Prendre de l’âge Habiter seul mais refuser de quitter sa maison

 Rester autonome le plus longtemps possible. N’être une charge pour aucun de ses enfants. La chance d’avoir prévu une pièce appropriée avec un lit médicalisé avant d’en avoir réellement besoin. Améliorer par anticipation soi-même son habitat.

Elle en a très tôt compris l’intérêt.

Elle se fiche de ceux qui poussent de hauts cris à chacune de ses initiatives. Elle fait ce qu’elle veut de son argent. Non ?

Se faire aider à grimper lentement de son jaccuzzi installé depuis des années le massage les bulles bouillonnantes, elle se détend, elle a su vivre , elle sait vieillir

Depuis longtemps elle est active, surprend tout le monde par sa modernité et souvent à l’avant -garde.

 Grande idée encore : une pièce avec une table de massage avant d’en avoir vraiment besoin organisée comme les cabines des professionnels

Ca y est tout est prêt le kiné viendra à domicile (en prévention) apprendre à rester souple, préserver l’équilibre malgré les problèmes à l’oreille.

7/ habiter dans la rue dormir sur des cartons même dans les villes qui glorifient leur effort de rénovation urbaine. Ils sont là dans les rues et disparaissent on ne sait où le jour. Voir le documentaire « l’homme vertige » de Malaury ELOI PAISLEY.

Pour les élus et leurs concitoyens qui détournent le regard ils sont et doivent rester invisibles. Le Déni.

Mais ils sont bien là ; pour eux pas de dressing, pas de garde -robe, pas de salle de bain, pas de douches. Pas de parfum. Pas de table basse et ni canapé d’angle. Ils s’habillent de crasse et d’odeur corporelle insoutenable Ils habitent près de nous. La misère et les malheurs habitent leurs carcasses décharnées.

Jean Yves LEBORGNE