#anthologie #04 | Habiter ici

1 dans la matrice s’abriter sous les membranes de chair

2 s’abriter sous l’ombre d’un arbre chêne platane mûrier et vivre avec lui

3 le hangar, lieu ouvert à l’est et au sud fermé au nord et à l’ouest, habiter les points cardinaux

4 l’auréole blanchâtre à la tête du bois de lit comme s’il habitait son propre suaire

5 défense de pénétrer dans la carrière, c’est ce qui est écrit sur la porte. de l’autre côté on habite un temps géologique

6 pousser les sacs enjamber les boîtes et les cartons et habiter l’estanco

7 ouvrir la travailleuse pour y trouver mèches de cheveux et dents de lait de ceux qui ont habité leur enfance ici

8 la pièce noire est la pièce qu’on ne souhaite pas habiter, ni le coin ni le piquet, peu habitables

9 imaginer ce que serait la cave si elle était ma chambre

10 dans une salle d’attente imaginer quelle pièce y installerai-je. imaginer l’appartement que serait le cabinet médical, l’office notarial. se dire cette peinture orange, ce rose layette, quelle idée

11 construire sa maison autour du lave-mains qui se trouvait 50 rue des Alpes dans le couloir d’habitation commune

12 avant de mettre en vente l’appartement, balayer les vies que nous y avons laissées comme autant de mues

13 rêver d’un appartement en ville et sans balcon quand la nature envahissante habite vos nuits

14 dans un hôtel placer sur la table de chevet flacons pommades et parfums. sur la tablette de la salle de bain brosse à dent et dentifrice : satisfaction du devoir vivre ici accomplie

15 en dernier décrocher le coucou arrêté à l’heure du décès, signe que plus personne n’habite l’appartement, le nôtre, depuis cinquante-six ans

16 s’aménager une voiture avec des bottes de foin, on dirait que là-bas c’est notre maison. rouler vite

17 si j’habitais sur la côte normande, aurais-je une longue vue pour observer l’horizon ?

18 je n’y habite plus : est-ce encore ma ville ?

19 ici c’est surtout la maison de la chatte tigrée

20 le chien jappe sur le seuil de son box saute manifeste sa joie et son mécontentement d’être envahi : qui habite ici ?

21 habiter le monde au bord du précipice dans un équilibre bancal

22 « elle réfléchit à la complexité inextricable du monde ; des entités et des relations qui l’habitent, devant ses yeux se décomposent les maillages lâches, mystérieux, plus ou moins colorés. » – Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène, Editions du sous-sol, 2024, page 162

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

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