#anthologie #03 I Ne pas avoir froid

Faire fondre ce froid qui se frotte à moi avant qu’il ne me pénètre. Je pense elle est dans la cuisine, je la voudrais ici. Mais elle est dans la cuisine et moi dans la rue et de la rue je ne peux pas la prendre, la remplir d’eau chaude. D’eau bien chaude mais pas trop chaude pour ne pas me brûler. La remplir mais qu’à moitié et avant de visser le bouchon en extraire l’air trop dilaté qui pousse sur les parois de caoutchouc. De vrai caoutchouc. D’un caoutchouc vert à odeur de caoutchouc. Et visser le bouchon. Mais je ne peux pas. Elle est dans la cuisine et moi ici dans la rue attendant le bus en compagnie du froid. J’ imagine, moi, ici, dans la rue, attendant le bus en compagnie du froid, avec ma bouillotte, ma bouillotte en caoutchouc, en vrai caoutchouc, remplie à moitié d’eau, d’eau bien chaude mais pas trop, coincée entre le manteau et le pull. J’en sens presque la chaleur se diffuser à travers les parois de caoutchouc de la bouillotte, de vrai caoutchouc strié en biais pour ne pas se brûler… j’en suis presque réchauffée ici dans la rue attendant le bus en compagnie du froid. Le froid qui est presque vaincu. Qui serait vaincu si je pouvais prendre ma bouillotte qui est dans la cuisine, si je pouvais la remplir d’eau chaude, bien chaude mais pas trop, si je pouvais l’insérer entre mon manteau et mon pull. Il serait vaincu et moi envahie par cette douce chaleur à l’odeur de caoutchouc dont je rêve si fort que je la ressens presque et que le froid qui se frottait à moi, s’éloigne.

A propos de Claudine Dozoul

Se balade entre écriture et pratiques artistiques diverses. Animatrice depuis longtemps d'ateliers d'écriture.

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