#anthologie #02 | le couloir

Il occupe un quart de la surface de l’appartement, il est deux à trois fois plus long que large, orienté nord-sud dans sa longueur. Carrelage de couleur marron datant de la fin des années cinquante, années soixante, carreaux de dix centimètres sur dix. Face à la porte d’entrée, un placard – penderie ? – fermant avec une clé. Peinture de couleur neutre, je dirai beige, assez clair. A droite de la porte du placard, mur d’une trentaine de centimètres avec interrupteur et prise de courant à un mètre du sol. Une large ouverture, deux portes ouvertes à l’intérieur de la pièce, donnant sur le séjour salle à manger disposant d’un balcon en béton plein. Deux baies vitrées sur la façade plein ouest donnant sur l’avenue de Saxe. En 2024 on aperçoit le haut des platanes. Au centre de la pièce, un tapis oriental dans des tons de rouge. A gauche, deux fauteuils séparés par un meuble de radio en bois laqué des années soixante. Au-dessus, un miroir en forme d’ogive avec deux grilles ouvragées en fer forgé. Entre le meuble de radio et le deuxième fauteuil, celui du côté de la fenêtre, un lampadaire halogène en métal doré. Entre le fauteuil et la fenêtre, un radiateur recouvert d’une tablette en marbre et sur la tablette, la photographie d’un enfant, une boîte à couture en bois et un vase en étain servant de pot à crayons. Table de salle à manger perpendiculaire au milieu des baies vitrées, là où elles ne s’ouvrent pas. Une vieille femme serait assise sur une chaise. Au-dessus des portes fenêtres, deux caissons pour les volets roulants, recouverts d’un rideau légèrement  froncés aux motifs floraux rouge et vert, pendant de part et d’autres des vitres et cachant le bras actionnant l’ouverture et la fermeture des stores. Dans l’angle à droite, des plantes vertes, contre le mur de droite, un buffet à quatre portes puis un meuble d’angle supportant une télévision. Sur la poignée de la porte de droite, une tuile provençale artisanale peinte : un couple affublé comme de vieux campagnards. Revenant dans le couloir à droite de la pièce, un nouveau placard faisant pendant au précédent, puis une nouvelle porte, ouverte elle aussi sur une chambre. Chambre rectangulaire donnant également sur l’avenue. Au sol, plancher vernis ou vitrifié. Au centre du plafond globe blanc suspendu. Deux secrétaires, trois lits : la chambre des filles. Au nord du couloir, un premier miroir d’environ deux mètres de haut sur un mère de large tenu au mur par des boulons à la tête hexagonale et chromée. Une porte fermée de couleur beige. Un deuxième miroir identique au précédent. Une deuxième chambre avec un lit dans l’angle nord-est recouvert d’un dessus de lit à gros carreaux verdâtres. Une porte-fenêtre à l’est, avec balcon, donnant sur une cour intérieure. Entend-on les martinets ? Côté est, de nouveau un placard mural fermé avec un clé, au centre du couloir une légère saillie correspondant à l’armoire électrique sur le palier. Sur le devant, un meuble en bois avec un tiroir bas, un planisphère réalisé à l’encre de Chine imitant une carte ancienne, au-dessus une pendule de la forme d’une patate pas tout à fait ronde encadré de formica marron rehaussé d’un liseré doré. Dans le renfoncement qui suit, le combiné de l’interphone, le badge de l’aide à domicile, la petite plaque du branchement internet. Porte d’entrée assez imposante en bois de chêne équipée d’un judas. Sur le retour du mur, le cadre d’une broderie réalisée par une arrière-grand-tante, brodeuse. Une porte vitrée en verre dépoli ouverte sur le couloir permettant d’accéder dans une sorte de sas avant d’entrer dans la cuisine. Dans ce sas, au sud, la porte du cabinet également vitrée avec un rideau pudique de couleur saumon. Contre le mur au sud la porte ouverte du sas puis la salle de bain sans ouverture, un trou noir. A droite de la salle de bain un radiateur recouvert lui aussi d’une tablette en marbre sur lequel se trouve la sculpture d’un petit arbre en fer forgé noir aux feuilles piquantes avec un dromadaire stylisé tenu à l’arbre par une chaîne que l’on peut décrocher. La dernière chambre dans l’angle sud-ouest avec un lit double, une descente de lit en laine bouclée, une planche à repasser. La vieille femme sortirait de la chambre poussant devant elle un déambulateur.

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

3 commentaires à propos de “#anthologie #02 | le couloir”

  1. C’est formidable cet appartement que je crois reconnaître (même si je ne situe pas bien l’avenue de Saxe) pour en avoir vu, vécu de presque semblables, et parce que tu tisses dans la description les marques très datées de la construction et de l’aménagement, et le passage du temps, avec ce présent qui fait irruption dans le temps qui passe, ou le passé qui innerve le temps présent.

  2. Contrairement à mon couloir très dépouillé, il y a ici plein de choses à voir, à toucher, on peut rester un moment avant d’avoir tout repéré. C’est foisonnant, plein de détails, on pourrait faire un plan ou un dessin. Merci pour ce texte.

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