#anthologie #prologue | Ce jour-là

«Au commencement de ce jour là, était le cri.» .pas celui de Munch, le mien…ce jour là est celui de Habib, Habiba, Lydie, Augusta, Zanitas, Alexandre, Albert, de Laurent l’animateur télé, lui la fait, moi je la regarde, ou encore celui de Quentin l’américain, le guy de Pulp Fiction…Ce jour là, c’est la journée mondiale du théâtre…ce jour là marque mon entrée dans le théâtre de la vie…les Beatles publient leur premier album Please, Please me… avec plaisir.

Ce jour là est le 86 ème jour de l’année…enfin ça dépend de l’année…Ce jour là tombe en semaine. Il aurait pu tomber un dimanche ou n’importe quel autre jour…C’est la période de Pâques…ce jour là n’est pas chômé. Des mineurs en grêve poursuivent leur mouvement avec le soutien de la SNCF appellant à une grêve perlée à l’approche des vacances.

Je n’ai aucun souvenir, ni sensations, ni impression de ce jour là…pour cela il aurait fallu revivre ce jour là par une séance de « rebirth » pour en savoir davantage…Je n’ai que des témoignages, des oui-dire… Ce jour là tout s’est bien passé à ce qu’il paraît, que je suis un garçon qui pese 3,4 kgs et mesurant la moitié d’un mètre…

Ce jour là il y a eu un écrit…un acte de naissance, laconique, fait sur la foi d’une déclaration d’un agent hospitalier devant un délégué du bureau d’Etat Civil, commis aux écritures, oeuvrant uniquement aux heures d’ouverture du public. Depuis ce jour là, j’ai une existence légale…je suis un sujet de droit, un futur citoyen, un fidèle contribuable…

Ce jour là le Parlement européen ouvre ses travaux à Bruxelles.

Ce jour là, l’employé de l’État-Civil mentionne trois heures du matin sur le registre des naissances. Heure exacte ou approximative? A cette heure matinale, on peut être fatigué par une nuit trop longue ou pas très bien réveillé d’une somnolence survenue au cours d’une garde en maternité ennuyeuse. A moins que ce jour là, il y eut beaucoup de naissances qui ont rendu difficiles le relevé d’heure…C’est sans doute un détail sans importance, moi qui n’a pas de jumeau…La vie c’est pourtant du sérieux

Je suppose être né comme n’importe quel bébé du monde, en braillant, furieux d’avoir été ôté du ventre nourricier et protecteur de ma mère…du moins je le pense. Est ce que tous les bébés pleurent à la naissance? Les mères peuvent en témoigner et aussi les pères qui assistent à l’heureux évènement

Ce jour là, mon père n’est pas là. Ca ne se faisait pas en ces temps là. Sans doute mon père doit-il attendre, nerveux, dans une salle d’attente proche de la salle d’accouchement comme on le lui a intimé. Est-il chez lui en train d’attendre la nouvelle? A quoi pense t-il? Et ma mère? Ce jour là on n’avait pas le téléphone. On doit appeler la maternité depuis un téléphone public ou celui du bar d’à côté pour avoir des nouvelles…ce jour là il fallait avoir de la monnaie ou prendre un jeton de téléphone avec une consommation…que d’instants manqués pour ces pères qui n’en ressortent pas toujours indemnes surtout que ce jour là, c’est la journée internationale du whisky…

Ce jour là a dû être mémorable pour mes parents. Moi, je devais sourire aux anges…

Ce jour là, j’ai vu à la télé du Général, des bébés emmaillotés dans des langes, portant des bracelets nominatifs aux menottes, rose pour les filles et bleu pour les garçons, tous emmaillottés dans des langes, leur donnant l’air de momies égyptiennes. Ce jour là, c’était mon premier jour d’hôpital…Examens médicaux, tout est normal, bon pour le service…bon pour le service militaire, apte au travail…nourriture au biberon à embout en caoutchouc et période de socialisation avec mes proches.

Ce jour là je n’avais pas encore d’amis. Juste une famille. Invariablement les visiteurs, veulent savoir à qui ressemble le poupon, s’il est le portrait craché d’untel, tout en supputant qu’il pourrait être le plus beau bébé du monde. Ils se le passent de bras en bras comme un trophée, en lui agaçant une joue ou la bouche baveuse, d’un doigt pas toujours délicat ou propre. On le scrute, on le soupèse, on lui parle comme à un débile…sans se rendre compte que le bambin n’y entend encore rien à la langue maternelle…Ce jour là, on a choisi pour moi mon prénom, en demandant l’avis de la grand-mère, si j’aurais des frères et/ou des soeurs pour ne pas grandir seul ou pour l’égo d’un des parents qui aurait préféré une fille à un garçon. Ce jour là on a choisi ma nourrice dès que ma mère pourra reprendre le travail, l’école où j’irai, si possible proche du domicile de mes parents, les amis et les relations de voisinage que je fréquenterai durant les premières années de la vie…Ce jour là, je n’ai eu que des figures imposées…c’était peut être pour mon bien…peut-être pas.

Ce jour là…

A propos de Laurent Damerval

En quête de mots et d'histoires à réinventer

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