Je suis sortie du ventre de ma mère. Je lui ai arraché des cris. Mon crâne forçait sur les parois. J’étais recouverte de sang. Mes alvéoles ont absorbé l’air de la chambre et j’ai pleuré. J’ai rejeté l’air, j’en ai absorbé une nouvelle bouffée, j’ai pleuré. J’ai pleuré pendant plusieurs inspirations et expirations puis j’ai écouté l’air s’infiltrer. Ma peau
plissait en petits bourrelets enflés autour des genoux et des coudes. Mes doigts
ondulaient comme des feuilles, mes jambes vibraient comme deux petites nageoires. Mes globes oculaires balayaient le monde comme de petits poissons. Je ballotais dans en agitant mollement mes membres.
Mes mains ont aggripé comme de petits crampons. Je m’attachais au drap. Je dormais à même les peaux. Puis j’ai enterré l’index et le majeur dans ma bouche. J’ai aimé cette petite grotte qu’était ma bouche pour m’endormir. Je bavais. Je sentais mon
odeur comme un chien pisteur. J’ai appris à marcher, je suis tombée, j’ai
couru, j’ai sauté, j’ai grimpé. J’ai nagé. J’ai glissé sur la neige. J’ai roulé en patins. J’ai pédalé en tricycle rouge. J’ai pédalé à vélo vert. J’ai shooté dans le ballon, mais avant ça j’ai fabriqué une cible en coinçant mon index contre le pouce pour envoyer une bille cogner la bille voisine. J’ai gagné, j’ai perdu. Ou l’inverse.
J’ai parlé le babil. J’ai mis mes chaussures, j’ai fait mes lacets. Accroché des boutons, fermé des fermetures éclairs. J’ai parlé de maman et de papa. J’ai parlé à ma sœur. J’ai parlé de tout, j’ai mangé de tout. J’ai offert des dessins maladroits.
J’ai appris à écrire. J’ai posé des questions fantômes. J’ai appris à lire. Je préférais courir.
(à suivre)
« J’ai aimé cette petite grotte qu’était ma bouche » qui par la suite va parler le babil, de tout et poser des questions. Merci Nolwenn
J’aime bien l’idée des « questions fantômes »… tout ce qu’on voudrait savoir en déguisant les questions, peut-être est-ce cela que je comprends. À suivre ? ce serait bien !
Omniprésence du corps. C’est réussi. A suivre ? Ouiiii !
J’adore l’image de cette grotte, cet espace de réconfort qu’est la bouche. Et aussi les « questions fantômes ».