#anthologie #01 | Invisible

Descendre l’escalier en bois. Deux étages. Poser doucement le pied sur la marche par égard pour les voisins. Au rez-de-chaussée, ouvrir la porte donnant sur un jardin bétonné. Sur la gauche, une glycine crie sa colère, lançant de tout côté des lianes couvertes de feuilles elles-mêmes divisées en une quinzaine de folioles braillant tels des nouveau-nés. Au-dessus d’un festonnage de métal dont la peinture s’écaille, un chèvrefeuille renaît chaque année et embaume l’endroit. Refermer la porte de la maison de ville sans claquer la porte. Faire quelques pas. Ouvrir la porte du jardin. Un tour, pas deux. La serrure est capricieuse. Sortir dans la rue sans regarder alentour. Partir. Marcher à petits pas. Fermer l’imperméable beige. Remonter le col pour se protéger de la bruine. Ne pas pester d’avoir oublié le parapluie, car l’on pensait trop à ne pas déranger les voisins. Retenir l’envie de se boucher les oreilles. Les bruits de la ville agressent. Les roues des voitures sur la chaussée. Klaxon. Au-dessus d’un pont passe un train. Faire abstraction du chien aboie dans le petit parc qu’on longe pour rejoindre le métro. Se pincer le nez. Les platanes irritent le nez. Malgré la pluie, les poussières assèchent le nez. Traverser au feu rouge. Attendre le bonhomme vert. Regarder à gauche puis à droite. Marcher sur les bandes blanches du passage piéton repeint de frais. Passer sous le pont. Là encore, ignorer les bruits de métal des roues de train. Un métro arrive. Sur la gauche, l’entrée du métro aérien. Monter les marches. Voir les pieds de ceux qui descendent. Passer son navigo. Regarder l’écran du portique pour connaître le nombre de tickets restants. L’écran n’affiche rien. Bruits d’acier, grondements. Le métro arrive. Ne pas courir. Ne pas se dépêcher. Se mettre sur la droite de l’escalier mécanique pour laisser passer.

2 commentaires à propos de “#anthologie #01 | Invisible”

  1. Une trajectoire. J’aime « se mettre sur la droite de l’escalier mécanique pour laisser passer ». Cette convention teinte les émotions que peut ressentir le personnage. C’est une porte ouverte cette phrase.

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