#nouvelles | boucle 2 | françoise renaud

Table des matières
#1 vieux colombier
#2 alice géraldine spring
#3 à retourner la terre autour
#4 playground

1 vieux colombier

une maison à l’écart au milieu d’un jardin ténébreux
un déferlement des glycines, on dirait un lieu sauvage
presque inhabité
            moi au bord de renoncer
la grille grince sous la poussée, la porte s’ouvre
un élan me pousse vers lui
            — bonjour je ne voudrais pas vous déranger

pas grand de taille, une chose que je le remarque tout de suite, on se regarde et on ne trouve rien à se dire
en arrière le vieux colombier et la maison délabrée, lui glissé par hasard dans ce décor après une vie d’aventurier quand il me tend la main
je lui tends ma bouteille de vin
            je ne sais rien encore de sa voix

je l’ai reconnu pour avoir vu des portraits de lui, des photographies
le trouve plus âgé, l’air amaigri, le teint terne, seulement les yeux qui pétillent comme ceux d’un enfant
           — ah c’est gentil ça | on m’a dit que vous aimiez le… | oui c’est vrai, je peux me laisser aller parfois
            sa voix chaude comme celle d’un proche, d’un ami
le haut du dos voûté, tout simple dans ses vêtements de campagne, il se fiche pas mal de son apparence
il entame ses dernières années de vie (plus tard je le saurai), la solitude est une épreuve avec le corps qui faillit
           — le plus difficile c’est l’absence. 

il m’a conduite dans une pièce bordée d’une verrière et la lumière d’hiver nous a inondés
            on a flotté dans ce grand jour
                les poussières ont flotté autour de nous
la tourelle en pierre cachée dans le touffu des arbres n’accueille plus de colombes, seulement des oiseaux de nuit, c’est ce qu’il a dit
et ce monde d’objets autour de lui, désuet, ancien, tapis élimés, fauteuils sans couleur
            — tout s’oxyde à vieillir, l’humidité

de ses œuvres il ne veut pas parler, derrière lui à présent, oubliées du monde
            — j’entends les hiboux la nuit, leurs hululements marquent mon cœur déchirent ma peau comme une douleur
à cheval sur sa chaise il attend le passage de Marthe qui lui porte les courses, se remémore les chansons qu’il inventait pour sa fille quand elle était petite — il lui avait donné un prénom de poétesse
à présent au bord de la perdre, elle malade, agonie, transformations irréversibles du corps, son courage à lui enfui
            — le vin atténue ou avive la douleur selon l’heure

bientôt les îles arides et les basses terres seront noyées
l’intensité de ces instants suspendus, dans la lenteur, ce désert végétal

je l’ai embrassé au moment de partir
            jamais on ne se reverrait

Photographie Uwe Jelting (Unsplash libre de droits)

Je me suis souvenue de ce #cycles | vies, situations, personnages, qui s'était tenu il y a 4 ans, de mi-décembre 2019 à fin mars 2020. 
On avait déjà travaillé sur la rencontre avec un personnage.
Et j'ai retrouvé le texte que j'avais écrit autour d'une visite à Lawrence Durrell et l'ai repris sous une autre forme, dans l'inspiration de cette proposition #nouvelles et dans l'ombre du texte de Paul Morand.
verrière et colombier c'est ici si jamais vous voulez y passer...

2 alice géraldine spring

Alice Géraldine Spring serait née autour de 1930 à Shimla dans l’État de l’Himachal Pradesh, ancienne capitale d’été du Raj britannique (altitude 2205 m).

biographie
Alice Géraldine Spring serait née dans l’empire des Indes vers 1930. Elle serait descendante de la famille McMahon, son père ayant été le neveu du diplomate Vincent Arthur Henry McMahon (1862 – 1949) engagé dans l’armée britannique et en poste dans les états du nord de l’Inde. Il serait tombé amoureux d’une femme de Manali à la beauté vénéneuse, voire ensorcelante. Pour éviter les embarras, Mary Evelyn Bland, épouse McMahon déjà plusieurs fois grand-mère, aurait adopté la fillette et l’aurait expédiée à Londres dans son jeune âge, tout comme ses autres descendants, pour qu’elle y conduise des études sérieuses et en oublie les mystères de sa conception.
Il est bien possible qu’on la retrouve à Kyrenia, port au nord de Chypre face à la Turquie (territoire annexé par les Britanniques en 1914), conduisant des recherches archéologiques sur l’île après de brillantes études. L’origine et le pourquoi des choses l’intéressent. Elle aime la fouille, la mise à jour.

Elle aurait eu 25 ans à la naissance de Sappho Jane en 1951, fille de L.D. et d’Yvette Cohen. L.D. aurait fait la connaissance d’Yvette à Alexandrie en 1943 et l’aurait épousée en 1947.
Ainsi Alice Géraldine Spring aurait pu être amie de la famille D. et baby-sitter occasionnelle de Sappho.

autres pistes

Et c’est là qu’on se rend compte combien l’héroïne prend corps, s’invente à force de dates, de personnages annexes, de détails. Et aussi la force du nom.
D’ailleurs on passe naturellement du conditionnel passé au présent et on y croit comme si c’était vrai

Ou alors

Une autre Alice G. Spring (Greta ou Gertrud) pointe le nez, identifiée dans la distribution de films d’espionnage et de romances exotiques des années 50 et 60. Étoile montante du cinéma londonien, sa beauté métissée lui aurait ouvert les portes de tournages plus artistiques et confidentiels. On aurait rapporté que sa fille était d’une grande beauté et qu’elle l’aurait jalousée au point de la pousser dans un escalier, un accident dont elle aurait conservé de graves séquelles.

Ou alors
Ce qui serait tout à fait extravagant, mais il faut faire coller autant que possible les dates de naissance, les époques, les destins... tout est permis.

Cette autre Alice G. Spring (Gala) aurait bien été actrice, passionnée de théâtre dès ses 13 ans. Elle aurait été reconnue en 2016 pour son rôle de Margaret Margo, première fille de L.D. et demi-sœur aînée de Sappho, dans une série biographique britannique en quatre saisons basée sur des récits réels de G.D., frère de L.D.. De folles aventures dramatiques d’une famille à Corfou dans les années 1935.
Elle serait donc née beaucoup plus tard en 1994. Elle serait devenue populaire sous son nom d’artiste Daisy Waterstone.

« La vie à Corfou est comme un rêve »

je n'ai pas su démarrer, deux semaines à chercher l'utilité de l'exercice et à identifier le personnage dont j'aurais voulu écrire une fausse biographie
ça n'est pas venu tout seul
ce matin, j'ai décidé de choisir deux prénoms féminins et un nom à consonance britannique et j'ai tenté un rapprochement avec L.D. (mon hôte de la #1 boucle #2) par le biais du lieu de sa naissance (Inde), de son goût immodéré pour le voyage et de ses séjours en Méditerranée

d'après moi, l'exercice aurait finalement pour but de donner à voir comment peut s'épaissir une silhouette qui au début n'est rien, petit à petit perd son flou,s'invente dans le réel jusqu'à s'incarner... assez bluffant mais compliqué de tout faire coller
c'est ça aussi le roman, un puzzle géant

3 à retourner la terre autour

La silhouette de l’homme demeure dans ma mémoire tel qu’il était à la fin quand je l’ai rencontré dans la maison au vieux colombier.

À retourner la terre autour de la rencontre, je déniche l’avant, compose les figures des autres, mère frères sœur. Personnages mouvants qui s’inventent comme nuages évoluant dans la mer du ciel. Personnages qui se nuancent selon le lieu et l’époque où je décide de les placer, selon la distance à laquelle je décide de les regarder. Toujours ils apparaissent fortement reliés les uns aux autres. Ils dépendent les uns des autres tout en gardant chacun une grande indépendance de caractère. La place qu’ils occupent dans la fratrie compte. L’aîné s’émancipe très tôt, il ne pense qu’à ça et cherche ailleurs à se réaliser. Le petit dernier demeure rattaché plus fort à la mère qui lui concède plus d’avantages. La fille va découvrir que les femmes sont traitées différemment des hommes par nos sociétés puritaines.

Je les retrouve à Bournemouth en 1935. Rien ne va. La famille est en crise. Chacun est habité par la figure du père défunt, la mère soucieuse de la bonne éducation des enfants et poursuivie par les difficultés financières. Malgré tout et à l’opposé de la rigidité anglo-saxonne, une certaine forme de liberté les habite chacun à leur manière, une envie d’autre chose, une sorte d’énergie intérieure qui secoue la morale et les rend réactifs aux contraintes. La maison est vendue. Ils partent pour les îles grecques – non mais quelle idée –, presque sans argent et sans projet particulier. Je n’ai pas d’images d’eux mais je les invente dans le soleil et la beauté de la végétation méditerranéenne. L’eau de mer est d’un bleu sidérant. Lui est décidément trop impatient, désireux de voyage et fou de poésie. Il trouve un livre abandonné dans une vespasienne de Corfou. Fasciné il écrit à l’auteur qui est américain et qui lui répond.
À retourner la terre autour, je trouve la guerre. « L’avenir n’existait pas ». 1939. La guerre éclate. Il devient attaché diplomate à Athènes puis au Caire. Impossible de bouger, le monde effondré, la famille séparée. Je n’arrive pas à savoir ce qu’ils deviennent.
À retourner la terre autour, je ne trouve pas de photos. Juste des dates. Dans un entretien bien plus tard, il dira combien il est facile de réinventer des impressions qu’on a longtemps cru vraies.
Pas de photos de famille, juste des dates.

À retourner la terre autour, j’en reviens à l’écriture qui le saisira, lui et aussi son jeune frère dans un genre différent. Le passage entre le goût d’écrire et le déclic d’écrire pourrait être relié au désespoir invisible. Une décision qui arrive à un moment précis, ça ne s’explique pas. Il faut vivre aussi, manger, « acheter des chaussures aux enfants ». Et la présence de la mort. Écrire tous les jours pour vivre, ne pas laisser rouiller la machine, et tout le temps qu’il faut pour penser avant d’écrire. Après ça vient, un peu comme l’enfant naît après des mois au chaud de sa mère.

À retourner la terre autour, j’en reviens à la jeunesse des premiers de la fratrie dans la ville indienne. Jeunesse joyeuse et libre avant de connaître un retour brutal dans un lycée d’Angleterre. Lui avait 11 ans. Ce pays ne comptera jamais dans son cœur et il ne passera jamais ses examens. Tous resteront étrangers à l’Angleterre. Sans regret ils s’installeront dans la lumière de Corfou dans l’idée d’être pour quelques temps une famille heureuse, et puis il y aura la guerre. Ce n’est que lentement que l’histoire s’écrit, imprévisible, d’abord celle de Louisa la mère avec ses quatre enfants sur les bras après la mort du père, ensuite la sienne à lui qui deviendra écrivain, obscure, habitée d’une colère inexplicable. Athènes, Alexandrie. Son histoire à lui, il la porte hors de la famille, comme tatouée par son origine à demi irlandaise et par la luxuriance de Jalhandar.

4 playground

Quelque part au monde, au pied des Himalayas. Un endroit très éloigné des villes. L.D. est né là d’une mère qui s’appelait Louisa et d’un père ingénieur qui construit des ponts pour les chemins de fer. Il ne connaîtra rien d’autre que ce pays jusqu’à l’âge de douze ans. Depuis le playground de l’école, il voit les très hautes montagnes, ressent la fascination des cimes et l’éblouissement qui prend au ventre. Depuis le playground de l’école, le décor grandiose pénètre ses yeux, remplit son âme. Il regarde déjà comme un poète. Il pense : Ça ou mourir. Il passe sa vie d’enfant dans cette végétation luxuriante des hautes vallées qui lui enseigne une certaine forme de folie et de grande liberté. Il est le plus terrible des enfants de la communauté anglaise de Darjeeling. La cloche aux accents tibétains le rappelle au réel et à la reprise de l’étude.

Playground, c’est le mot qu’il utilisera quand il parlera plus tard de cette époque. Un vaste terrain sans bornes ni barrières pareil à une esplanade où les élèves s’entraînent à la course de fond et jouent au cricket. Des pluies violentes s’y abattent en fin d’après-midi avant que la nuit tombe et dégagent la chair de la terre sous les arbres. Les champs de thé des collines alentour sont terriblement beaux et luisants à contempler de loin. Quand les cours sont terminés, il aime à en explorer les bordures et les sillons en compagnie de Jim, son ami de la famille Banerjee qui fréquente l’école des Sahibs. Les deux se méfient des pentes boueuses et des serpents.

Ce jour-là, Kim Banerjee est assis sous les arbres au fond de la cour. C’est le mois de février. Il a beaucoup neigé. La couleur de la terre a complètement disparu et le ciel est encore si blanc de la quantité de neige tombée qu’il aveugle. Il s’approche de Kim qui se tient la tête entre les mains, il ressent le drame qui est arrivé comme une ombre sur le blanc de la neige, il lui prend le cou. Une chose qu’on fait facilement dans ce pays entre garçons. Il le console, lui dit des petits mots contre la chose cruelle. Kim a perdu sa mère cette nuit.

Quelque part au monde, une autre esplanade dans une île. Un autre endroit où la vie l’attend dix ans plus tard, avant que la guerre ne s’occupe de tout briser. C’est une vaste place empierrée au long de la mer Méditerranée et prolongée d’une jetée qui avance loin dans l’eau turquoise. Et c’est là que le souvenir de Kim Banerjee va revenir le chercher. Il marche, il butte de la pointe du pied dans le gravier pour passer son désarroi et sa colère. Il a bu de l’ouzo et les neiges éternelles étincèlent électrisent son cerveau. Elles ne l’ont jamais quitté et elles resurgissent quand il éprouve des difficultés. Il est jeune homme fauché, en train d’écrire son premier roman. Il se complait dans les ténèbres en dépit de la lumière irradiante de l’été et parfois il a besoin d’un espace libre et nu pour déambuler, observer le décor, s’aventurer en lui-même. Cet espace-là ressemble au playground de l’école indienne qu’il ne reverra jamais. L’éternité de la neige en souvenir le pique au profond de la chair comme une banderille. De la même façon le scintillement de la mer.

C’est la fin de l’été, il déambule le soir sur le quai. Les promeneurs sont sortis goûter la brise qui survient au coucher du soleil. Il a la gorge sèche et puis comme un vertige. Un homme le heurte légèrement à l’épaule. Il est surpris, se retourne, il voit un homme de haute taille en chemise blanche, cheveux très noirs, peau foncée. Alors il arrive comme un trou dans sa mémoire d’où remonte la lave. Il croit reconnaître Kim Banerjee, l’ami Kim qui jouait au cricket et chassait les vipères de Russell avec lui. Cette façon nonchalante de marcher, le balancé des bras. C’est toi Kim ? Est-ce que c’est toi ? ce serait tellement incroyable de se rencontrer si loin des Himalayas… L’homme a continué sa marche, s’est fondu dans la foule des flâneurs. Il rejoint les buveurs dans la petite ville et s’enivre.

Il ne reverra jamais le playground de l’école de Jalhandar ou de Darjeeling mais il lira toujours Kipling et il recherchera ce genre d’espaces vastes et libres, champ prairie place, pour y déambuler à son gré et observer les paysages prodigieux. Il dit aussi qu’il souhaite disposer d’une heure pour la poésie avant que le monde se réveille et il ne laisse pas s’écouler un seul jour sans boucler quelque chose dans son carnet. Souvent dans sa maison du Gard, il écrit face au mur sans fenêtre, paysages infusés dans sa mémoire pareils à des territoires longtemps arpentés en long en large. Il a le souvenir des gens maniant des moulins à prière, le son de la cloche de l’école, le visage de Kim, celui de sa fille Sappho, l’ondulation des serpents dangereux. C’est le temps des mémoires qui vient encore nourrir la joie d’être au monde. Bientôt le temps du silence et des ombres.

j'ai pensé laisser tomber, ne trouvant pas le bon lieu pour développer le texte
finalement me suis adaptée sans tout à fait respecter la consigne puisque le lieu n'est pas unique, mais il s'efforce de respecter une forme, un format, un sentiment de vastitude....

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

33 commentaires à propos de “#nouvelles | boucle 2 | françoise renaud”

    • c’était avant 1990, LD étant décédé en novembre de cette année-là
      donc il y a longtemps mais on peut garder des choses si précieusement en soi qu’on réussit à ranimer un regard, une attitude, réinventer le moment

  1. J’ai bien aimé la forme que tu as donnée au texte: cela crée un peu de flou autour des personnages. Je suis allée lire ton texte précédant ensuite, avec plus de détails. C’est étrange comme la forme d’un écrit peut diffracter des sensations différentes…Merci!

    • j’ai voulu essayer quelque chose en m’appuyant sur le texte de Paul Morand qui illustrait la proposition d’écriture (il y avait beaucoup d’intensité dans chaque fragment écrit) et j’ai pensé que c’était intéressant de le rapprocher du premier texte, plus « classique »
      toutefois pas facile de caler une mise en page intéressante dans une colonne de blog !
      merci Solange d’être venue jusqu’ici

  2. et tu as trouvé la même délicatesse, la même évocation poétique que Morand,
    et ces passages entre passé et voix directe au présent qui nous donne presque l’impression d’être partie à la rencontre

  3. Merci Françoise pour cette rencontre délicate dont on devine chaque geste, chaque silence, le rythme lent, les regards, l’étonnement. Cette solitude, cette maison dans laquelle tu apportes un moment de vie, de partage.

    • scène fidèle à notre rencontre réelle, enfin je crois
      comme une tendresse diffuse qui est venue, on était à l’écoute
      c’est drôle à y repenser…
      (merci Clarence pour tes mots, délicats eux aussi)

    • on se souvient souvent de la nature de la lumière même si on a oublié tous les autres éléments
      on se souvient de l’intensité, de ce qui traînait dans l’air de force et de rêve

  4. Merci pour cette belle évocation tout en sensibilité et poésie d’instants aussi inoubliables qu’évanescents ! Je reviens d’avoir lu ton texte de 2020 et ton commentaire sur l’inattendu de ce qui émerge des propositions. C’est la magie de ces ateliers !

  5. Comme j’aime cette écriture presque jetée (mais travaillée bien certainement !), le cadeau d’instants qui surgissent à la mémoire, l’éphémère qui trouve sa durée dans le souvenir, dans la forme que tu donnes à tes mots, je ne sais pas comment le dire… J’assiste à la rencontre, je vois cet homme et cette femme, et je comprends que c’est infiniment précieux, rare… et j’ai tellement envie de connaître ce qui les lie vraiment !

    • on ne fait pas exprès d’engendrer de la curiosité… mais lui et elle ont-ils un lien ? tu le voudrais bien, mais qui peut le savoir vraiment ? seule l’écriture pourra nous le dire,
      nous le révéler…
      et c’est bien la tension qui compte, la soif à lire plus loin…
      merci Marlen d’avoir exprimé ta vision

  6. Par rapport à ta note en fin de texte, je crois que c’est ça. Plutôt qu’un puzzle géant, je vois plutôt une image aux contours incertains qui gagne lentement en netteté, révélant des zones de lumière et d’ombre. Oui, c’est délicat de tout faire coller, j’ai essuyé les mêmes hésitations que toi, je ne savais pas comment aborder la proposition. Mais au final, je retrouve ce que François disait dans son énoncé, des pièces de charpente d’une maison-roman (ou nouvelle). Très intéressant.

    • on ne sait pas encore qui sera le personnage principal de notre récit à ce stade de la quête, d’où la difficulté de creuser genre Wikipedia
      (enfin comment s’y prendre ? où se tourner ? quelle piste privilégier ?)
      mais oui tu as raison, on est dans la construction, dans le gros, comme dans l’édification d’une charpente d’édifice qui n’aurait pas encore de véritable plan

    • salut Stéphanie
      et tu m’indiques là une direction possible, merci merci !
      ça veut dire qu’on a envie d’en savoir plus… mais je n’ai pas de connaissances approfondies sur son parcours long et tourmenté… comment vais je faire ?
      Sans doute inventer ?!

      • Oui, oui, j’ai un faible pour LD, tu as lu le Sourire du Tao, ou comment il fabrique une soupe avec un chinois de passage ?

  7. à retourner la terre quelle belle litanie au propre comme au figuré . « Le passage entre le goût d’écrire et le déclic d’écrire pourrait être relié au désespoir invisible. »… merci !

  8. Comme Nathalie, très sensible à cette scansion « à retourner la terre autour » qui emmène, entraîne le texte avec elle. Creuser, fouiller, s’approcher, excaver mais « autour », alors écrire.

    • n’est ce pas cela écrire ? ne jamais révéler le centre, le noyau brûlant et secret… s’efforcer de tourner autour, de se rapprocher du sens par petits cercles et ne jamais toucher la matière incandescente…
      il me semble que Aragon avait dit quelque chose autour de cela, mais… je ne sais plus….

  9. A l’hôpital, on appelait cela des « vignettes cliniques », on tentait de résumer en quelques paragraphes et quelques palabres hiérarchisées, les contours d’une personne ( un personnage) pour essayer d’atteindre sa vérité du moment, sa « demande »et les réponses collectives qu’on « imaginait » pouvoir lui donner (asymétrie de la relation là encore). Bien entendu, nos efforts étaient lacunaires, en tout cas insuffisants et peu pérennes, le personnage nous échappait invariablement, car il avait sa force d’inertie et son droit à l’impénétrabilité… Mais nous nous contentions d’apprécier les dons oratoires et rédactionnels des « conteurs » ( plus souvent que conteuses …du jour… Les soignants hommes et femmes , comme les écrivains sont des voleurs de vie intermittents… « Ne raconte pas ta vie à n’importe qui ?  » disait une amie autrefois ( qui en avait fait les frais). Alors si on réinvente la vie des autres à partir de nos élucubrations et des bribes d’informations que l’on rameute en ordre dispersés, on peut supposer que c’est un moindre mal et qu’on peut y prendre goût . Après tout , raconter « l’autre » , c’est raconter soi avec des marges de fantaisie ou de dramatisation au diapason des préoccupations contemporaines. En fait, je n’arrive pas à entrer dans ce « jeu » des « je » qui s’habillent de tu-nous-vous-elles ou ils, mais je retiens une seule idée ( que je ne retiens pas par hasard). C’est celle des « Durell » dans leur fiction résumé par cette image formidable de personnages qui mangent les pieds dans l’eau. On se doute que leur situation est précaire, que l’eau peut monter, que le ciel peut laisser tomber ses trombes d’eau tourbillonnante, qu’un raz-de-marée ou un déluge peuvent survenir… que sais-je encore ? Qu’ont-ils en tête au moment où ils sont encore ensemble ? Quels destins vont leur échoir et comment écrire ce qu’il seront, ce qu’il feront, ce qu’ils subiront individuellement et sans doute séparément ? J’imagine qu’on ne pourra pas tous les suivre, ni les couver des yeux. Les décrire, les écrire va-t-il suffire à convaincre le lecteur ou la lectrice de leur existence , même fictive ? Qu’est-ce qu’un portrait ? Je me pose toutes ces questions car , tu le sais, écrire pour moi, n’est pas vraiment un jeu de style pour la galerie… Contrairement à Ugo, je n’écris pas pour perdre celle ou celui qui lit, mais plutôt pour les retrouver à l’abri des turpitudes et des tourments. Wikipedia n’est pas l’outil idéal pour se mettre à l’abri de la folie actuelle, il aseptise toutes les émotions par sa mise en ordre aussi folle qu’un dictionnaire qui renvoie d’un mot à un autre… sans fin… Tu vois, je cogite, je flotte , je ne me noie pas encore… Merci pour m’avoir fait découvrir cette image… Elle me suffit pour argumenter…

    • Cette image de famille, je la découvre moi-même — je ne la connaissais pas —, je ne connaissais que lui l’écrivain, d’abord de nom et pour avoir lu Le Quartuor d’A. qui m’avait fasciné quand j’étais jeune fille, ensuite pour avoir acheté d’autres livres en poche jaunis et qui avaient déjà bien bourlingué…
      je quête leurs émotions qui sont aussi les miennes, les nôtres, mais oui forcément… je me rapproche de l’un ou de l’autre et je n’essaie pas d’organiser, je laisse venir et ça m’envahit
      j’aurais aimé avoir une famille heureuse…

      merci Marie-Thérèse d’être passée

    • merci Stéphanie, tu es la première à faire écho…
      mais tu ne me dis pas si ça t’a fait penser à lui ? toujours l’inquiétude dans ce balancement entre réel enfui et fiction…

  10. Si si, j’ai écrit « il », mais je sais bien qu’il s’agit de Lawrence Durrell, toute cette famille est d’ailleurs étonnante. Et c’est bien que tu l’aies fait sortir de son colombier, tu as accompli une boucle dans ton écriture, et pour lui, entre deux âges de sa vie…

  11. Je retiens le premier texte et le dernier, forts et épurés. J’ai déambulé avec bonheur dans tes recherches audacieuses et apprécié les notes que tu nous laisses comme baliser notre chemin de lecture. J’y ai trouvé bien des choses. Merci, chère Françoise.

    • Tant de patience tu as eu de reprendre au début…
      parce que finalement et souvent, pour « apprécier », il faut retrouver le fil de la création pour qu’il se soulève quelque chose au cœur…
      merci d’être venue jusqu’ici, chère Anne

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