Quand tu y penses, tu évites d’y penser mais c’est un sursaut d’une autre vie qui se décalque sur la nouvelle, un genre d’effet miroir qui traduit dans son autre langage les choses du commun. Tu pousses le chariot (ne plus dire caddie) dans les allées, sur fond sonores d’annonces publicitaires, des promotion du moment, la voix tour à tour rieuse et enjôleuse, son pouvoir d’attraction n’a aucune prise sur toi. Se superposent à tes allées et venues des histoires de marketing opérationnel, facingproduit, merchandising, gestions des stocks, unité de conditionnement, mise en rayon, en tête de gondole, PLV, objectif qualité, notoriété, positionnement…
Il est tôt, on est lundi matin. Dans les rayons, les employés achalandent, c’est l’heure du réassort. Ici les paquets de biscuits, là les conserves de fruits. Les mains plongent sur les palettes, films de protection éventrés, attrapent les produits pour les disposer sur les étagères. Elles dépotent, littéralement. Elles se déploient sur toute la longueur des étals. Frais emballés ou LS, le dépotage se fait sur un créneau horaire précis. A 8h30 il n’y a encore pas trop de monde. Tout le monde s’y met en même temps avant le rush. Question d’efficacité, de productivité mais aussi de solidarité. Ça papote sec, même. Ça se raconte son week-end, la météo, le petit dernier, les projets de vacances… Ou alors ça râle quand on délote. Tu doutes qu’elles pensent un seul instant à l’expérience client optimale, aux motivations d’achat hédonistes de leur clientèle (ici la motivation c’est surtout le prix) ou à l’optimisation des durées de déplacements en magasin. Ici est petit supermarché de province. Tu doutes qu’elles auraient la même latitude de bavardage dans un hyper de plusieurs centaines de mètres carrés.
Les mains s’agitent, les bras tirent, soulèvent, se plient, toujours en mouvement. Les corps se baissent pour ranger les espaces encore vides du bas. Ils se redressent , vont et viennent dans la lumière trop blanche des néons. Toi, tu cherches cette référence de marque distributeur, un peu moins chère que les grande marques. Il n’y en a pas encore en rayon. Alors tu demandes à celle-ci, brune sans âge, secondée par un garçon de 13 ou 14 ans qui apprend le métier ou fait juste un stage d’observation, mais qui met quand même la main à la patte, sinon à quoi bon avoir un stagiaire ? S’opère alors une petite chaîne de mains et de sourires et le paquet circule jusqu’à moi. Des mains, sans gants en latex, des sourires nus et sincères sans désir de persuasion, ni calcul commercial. Des mains sans arrière-pensée qui font s’évanouir le jargon polluant. Et revenir vers des mots simples qui remercient et sourient eux-aussi.
que j’aime ces mains qui nettoient tout ce langage
Oui, les mains, les yeux et les sourires
le geste qui accompagne les mots simples…
belle fin pour ton texte qui nous a baladés dans les rayons…
salut Perle !
Saut, Françoise, et merci