Le corps se fait accueil, le poitrail fauteuil.
Il a fallu l’asseoir avant, dans une espèce d’urgence, les genoux crispés d’avoir dû lâcher le buste pour le poser dans le canapé trop bas, les bras se sont tendus, muscles parés en prévision de soulever l’enfant qui se précipite, s’impatiente, lui ou son estomac après les heures longues de la nuit, il a faim, à moins que ce soit promesse et imminence de réconfort, et ça passe par la bouche, aspirer le chaud du lait, c’est depuis la nuit des temps. Alors le corps grand s’élargit, se fait accueil et tout dans lui va se modeler, se creuser, s’incliner, se soulever pour que le corps qui a bien grandi, combien de biberons encore avant le plus jamais, tu n’es plus un bébé, s’y niche confortablement comme dans un fauteuil confectionné pour lui seul, à lui seul adapté.
Le biberon, un moment qu’il le tient lui-même, non, c’est moi qui fait, les bras longs ont perdu utilité, mains indécises dont l’une se pose sur le genou mignon, de trois doigts confectionne sur le pyjama de petits cercles répétitifs, repousse les cheveux indomptés de la nuit qui tombent dans les yeux comme autant de caresses volées, le petit boit de plus en plus vite, et vite il balancera les jambes vers le vide du sol, redressera son buste pour partir vivre sa vie. Le corps grand se penchera vers l’avant, se fera fauteuil à bascule pour éjecter celui de l’enfant comme ouvrir les bras.
deux âges, deux situations, deux corps — l’un accueillant, l’autre affamé –, deux corps dans la confrontation des besoins de chacun
belle idée !
merci Anne
Merci, chère Françoise, de ton œil vif qui capte et résume et permet ce retour essentiel et constructif.
C’est toujours tellement senti, et vous, tellement juste, les gestes les plus infimes vivent et portent l’émotion
Belle métaphore du corps-fauteuil accueillant d’abord puis siège éjectable
texte original et captivant
merci Anne pour ce moment de lecture