#enfances #03 | Bonnefoy triple-saut

Pourquoi sauter ? c’est la consigne je m’y conforme, les trois bois posés à distance chaque fois revue et augmentée, se concentrer sur le pied d’appel, bander les muscles regarder loin devant soi, je n’ai d’autre but, en traversant l’espace de le voler à la difficulté, aux regards des autres et surtout ne pas me vautrer dans le ridicule.

Perplexe,  pourquoi le faire ? elle doit le faire, elle a répété le geste des dizaines de fois dans la cour de l’école, les pieds freinés par le sable sur la plage, prendre une grande respiration, un recul, s’élancer, plier les jambes, se propulser dans les airs et retomber sans se faire mal. 

Pourtant quand elle s’élance cheveux au vent et que le sol et les bois s’éloignent sous ses pieds, elle savoure ce moment d’éternité, avant de retomber jambes jointes légèrement pliées. Elle sourit de fierté.

Mais pourquoi sauter entre des morceaux de bois, avec une telle détermination le regard au loin ? La réponse est peut-être dans le saut lui-même. Je vois ce saut triple comme une promesse, une transcendance de la réalité, un élan à se rencontrer. J’ai parfois peut-être pris le recul et laissé tomber le saut. Le saut est un geste simple, le symbole d’une transformation. Quitter ce qu’on connait, s’élever vers l’inconnu et ne pas oublier d’atterrir.

4 commentaires à propos de “#enfances #03 | Bonnefoy triple-saut”

  1. et si seulement on pouvait décoller et rester suspendu longtemps, définitivement ?
    ce texte me ramène en mémoire le record du monde deJonathan Edwards le goéland à Goteborg en 1995

    • Bonjour Françoise, une option en effet, surtout pour un enfant… ce clin d’oeil m’honore, merci