L’oncle.
Les jeudis après-midi cousins et cousines jouent sur la terrasse entre la maison et le muret du jardin, je viens de lancer le ballon à Andrée et j’entends d’abord la cavalcade, mon oncle préféré descend les escaliers à toute vitesse, en haut j’aperçois deux silhouettes dans l’ombre, mais lui déboule, les cheveux, qu’il a blond en bataille, d’habitude soigneusement crantés, rien ne se lit sur son visage impassible, mais les voix là-haut crient fort, la porte par où nous regardons se ferme à la volée. Allez les enfants, ne restez pas plantés là. On n’en saura pas plus, mais là commenceront nos interrogations sur cette famille.
Tante Manette.
Cette année quarante-quatre, toute la famille fuit Saint-Etienne, et se retrouve au presbytère de Monsieur le curé, membre de la dite famille. Et ce jour là, on a le droit de monter dire bonjour à la vieille tante tout en haut de l’escalier en colimaçon, elle est si vieille, le visage blanc et les joues pendantes nous font reculer, entrez, entrez donc, elle se lève très difficilement, c’est alors qu’on voit sa robe immense et noire on dirait une nonne, autour du visage, est-ce une cornette, un voile, un chapeau, elle va vers son armoire et prend une boite en carton noire aussi et l’ouvre. Je ne sais rien de ce que contenait cette boite. Mais c’est là que je commencerai à me dire il y a beaucoup de curés et de religieuses chez nous.
La cousine Tellier, pas cousine du tout d’ailleurs, habitait Le Ré petit quartier de la ville sur les hauteurs. Je ne l’ai pas vue souvent, mais elle me réchauffait. Sa maison n’était pas grande, je ne l’ai vue que dans sa cuisine et pas longtemps, elle allait vivement d’une chose à l’autre, traversait la cour pour rejoindre son mari au jardin et revenir avec des carottes et un mot tendre sur son mari. Une femme vraiment gentille, ses yeux se posaient un instant sur vous, vous vous sentiez aimé, un petit mot de sa voix éraillée, c’était très bizarre cette voix écorchée chez une femme si discrète et rassurante.
Trois souvenirs lointains qui évoquent bien les mystères de l’enfance jamais résolus, pas assez souvent explorés en écriture. Merci