Mamanbébelle
Combien de fois ? je ne saurais dire, mes parents m’ont déposée chez Mamanbébelle, chaque vacances d’école. Un monde à part et peu de mots… la cour aux poules les cages à lapins et la soue au cochon car il n’y en avait qu’un, côtoyaient le puits au seau suspendu à la chaîne bruyante, en me penchant je pouvais voir mon visage reflété sur la surface de l’eau noire, l’étable aux vaches qu’elle trayait calmement sur son tabouret trépied, un rythme régulier dont le son du premier jet resonne encore à mes oreilles. De son corps charpenté les pieds enracinés se déplaçaient comme une herse préparant sa terre… au goûter, de ses mains calleuses d’un geste généreux et mesuré elle nous distribuait du gros pain et des carrés de chocolat noir tirés d’une armoire mystérieuse massive en bois dont elle semblait elle-même sortie. Un grain de peau décorait la paupière supérieure de son œil gauche, quelques mèches échappaient à son chignon tressé, parfois j’eus la chance de voir ses cheveux lâchés en un long fleuve blanchis par le temps.
Madame la directrice
Chaque jour deux fois au moins, elle se postait de côté entre la dernière marche et la porte de sortie… prompte à nous interpeler pour un détail de notre tenue. Cette dame massive dont les talons très hauts noirs et brillants capturaient les reflets de la lumière froide. Mais ce qui me frappait le plus c’était les coutures bien droites de ses bas remontant à l’arrière le long de ses jambes jusqu’à la pliure de l’ourlet d’une jupe étroite fendue dans le dos. J’évitais son regard j’avais peur d’être sortie du rang, je ne savais pas pourquoi j’étais toujours sur mes gardes j’avais froid dans mes mains et au bout des oreilles.
Réouven
De ses cheveux noirs ondulés et ses yeux verts qui nous entouraient comme des bras chaleureux, rien ne pouvait nous arriver de mal, nous étions sauvés d’avance par son sourire. Avec sa rigueur, une liberté nous permettait d’explorer les coins et recoins de tout lieu même les plus inconnus, le jeu souverain le monde à notre portée, nous étions presque devenus invincibles. Il était notre moniteur, nous l’adorions. Nous l’avons revu soixante années plus tard, toujours le même, aujourd’hui disparu il nous a promis à une jeunesse inaltérable.
J’aime ces portraits empreints de mystère et que l’on suit de détails en détails comme la ligne des coutures des bas de madame la directrice qui n’est presque rien ( un regard que l’on évite ?) au dessus de la taille et pourtant un personnage bien palpable ! Bravo
Merci Géraldine, oui avec ses bas à coutures ils fallait que ça « file » droit surtout les rebelles…