Je suis perdue les poulets en cage si compressés les lapins les bottes d’oignons les mains les ficelles les tréteaux les jambes beaucoup de jambes la place la place des héros je n’ai jamais questionné ce nom place des héros où sont les héros où est mon héros je cherche sa poche je suis supposée me tenir à sa poche je suis censée avoir mes doigts petits et repliés et serrés sur sa poche dans sa poche sous le rabat c’est son costume gris gris souris gris vert de gris gris de laine de la bonne qualité dit ma mère mais pas de poche j’ai lâché la poche je ne m’en rends compte que maintenant cinquante-cinq ans après j’ai bien dû à un moment lâcher sa poche sinon je n’écrirais pas aujourd’hui ce lâcher au marché des fruits des cerises des fruits mais je ne me souviens que des cerises et puis une poche, une autre poche et un monsieur me regarde interloqué, mon père s’excuse pardon, c’est une histoire de poches échangées, l’histoire trompeuse d’une poche, erreur, non, il n’est pas interchangeable mon héros.
Rythme soutenu par cette forme, la longue phrase, les mots qui se précipitent et les répétitions nous plongent si bien dans l’histoire, sûr qu’on lâcherait la poche aussi. Très joli cet échange de poches.
(je croyais que tu avais gardé ta ponctuation dans la poche) (et en fait oui) (plaisir maximal de lecture – alors merci à toi)
Très belle évocation de ces poches avec une logorrhée en forme de ritournelle qui impulse de l’angoisse et le tourbillon de panique qui s’empare de l’enfant quand il pense avoir perdu son héros. Très fort
de l’écriture ne dirais rien c’est inutile et ne serait pas au niveau.
Juste : tout le non-dit ou effleuré, dans la petite main dans la poche, dans le choix du tissu…
du Chistine
l’écriture saisit ! merci
Merci à toutes, tous !
(quel exercice bizarre de se retrouver ainsi, sans arme, sans bouclier)
en lisant le début « je suis perdu les poulets en cage » je me suis dit pas possible la coïncidence puisque je te lis après avoir posté mon texte où je parle d’oiseaux. Bref contente de retrouver la densité et la texture de votre littérature chère madame 🙂
très chouette et drôle le monsieur interloqué ça se lit d’une traite. non sans s’interroger un court instant sur cette poche dont on se rend compte 55 ans plus tard qu’on l’aura soi, lâchée.
et l’écriture-poche?
Rien ne remplacera une bonne petite main dans une grande ! 🙂
Le texte va lui aussi de poche en poche, et on ne sait plus à quelle poche on est accroché mais on y est bien accroché.