Au nord, il y a la mer. Du bleu, avec un peu de vert, ou un peu de gris, un peu plus clair ou un peu plus foncé, enfin une autre couleur, un autre bleu que celui du ciel. Quand tu laisses tes yeux se perdre au fond de l’image, sur cette ligne d’horizon, tu vois bien qu’il y a bleu et bleu. De l’autre côté de la mer, tu sais que tu ne peux pas voir parce que la terre est ronde, alors tu ne cherches même pas, tu sais qu’il y a l’Angleterre, mais tu ne la vois pas alors elle ne compte pas
Au nord il y a la forêt. Elle monte sur le versant, la foule de tous les arbres assombrit la montagne. On lève les yeux, on lève la tête. En haut, au sommet, la montagne s’arrête, la forêt s’arrête, sans transition, à peine si on distingue juste un peu de plus clair avant la grande bascule. Au-dessus il y a le ciel, le bleu. Qui ne s’arrête pas, qui laisse partir les yeux jusqu’où ils veulent aller. De l’autre côté du sommet, ta tête sait qu’il y a une autre vallée, mais tu ne la vois pas alors elle ne compte pas
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Au sud il n’y a plus d’eau, à peine juste un ruisseau, quelques flaques, du brillant de mouillé, les jours de grandes marées ou bien quand il a plu. Au sud, la terre, la ville, les routes, les champs, les voitures, les humains. Une autre vue que la tienne, aussi une autre vie
Au sud il a le village, les champs, les chemins, les chalets, les granges, les maisons, les routes goudronnées qui brillent quand il a plu. Tout en bas, le ruisseau, qui se fait tout modeste, mais qui a tout creusé, cette vallée est à lui. De l’autre côté du ruisseau, ça remonte jusqu’en haut, jusqu’aux sommets d’en face, en face c’est l’ubac, ils ont l’ombre en hiver. Une autre vue que la tienne, aussi une autre vie
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À l’est c’est le fond de la Manche, tu ne peux pas le voir à cause de la distance, mais tu sais qu’il est là en voyant le courant emmener les algues vers le soleil levant lorsque la marée monte. Tu sais que les oiseaux voient les falaises normandes boucher leur horizon comme le fond d’un filet
À l’est c’est le fond de la vallée. C’est fermé par un col, mais juste un peu moins haut que les montagnes autour, plutôt un col roulé, pas un grand décolleté. Et puis aller plus loin, ça ferait changer de vallée, alors que pour beaucoup, on reste bien chez soi, dans sa vallée à soi, comme dans le fond d’un filet
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À l’ouest, c’est le grand large, la sortie de la Manche, l’océan, l’Atlantique, pas juste une autre mer, étriquée et fermée. C’est la plupart du temps de là que vient le vent qui agite la surface, qui fait naître les vagues, qui hérisse la mer. Le vent du large, celui qui donne envie d’aller y voir. C’est là où s’en va l’eau quand la marée descend, quand elle fait des moustaches sur la droite des cailloux et qu’elle fait se pencher les casiers des pêcheurs vers le soleil couchant, le grand air et l’espace
À l’ouest, c’est la sortie de la vallée. Les montagnes s’écartent, les sommets s’abaissent et tout au fond, tu voies d’autres montagnes, des plus pâles à cause du loin. Moins d’arbres et plus de maisons aussi dans cette direction-là. Les nuages, quand ils sont poussés par le vent, viennent toujours de là-bas avec leurs formes qui changent, juste des fils, des emmêlements, des formes qui s’étirent ou se rapprochent. Les gros nuages rondouillards des chaleurs de l’été naissent au-dessus des montagnes, mais ceux qui viennent de là-bas ont l’odeur du grand air et de l’espace