Sortir du bateau, refermer la descente, mettre sur tes épaules le petit sac à dos avec le couteau à huîtres, le chiffon, le pain et le beurre, descendre du bateau par l’échelle de l’arrière jusqu’à l’herbe toute fraîche et sortir du jardin, refermer la porte en bois avec la chaîne que tu fais passer dans l’œil avant de l’accrocher sur le clou tordu du piquet, prendre le chemin qui va à la mer. Après la barrière qui empêche l’accès aux vélos et aux motos, enlever les chaussures pour marcher dans le sable. Une fois sur la plage, s’arrêter un moment, farfouiller des orteils dans le sable encore sec, celui qui est si doux, écouter les vagues hésiter en chanson, revenir sur la plage, repartir, revenir, et repartir encore, écouter aussi le vent dans les herbes de la dune, sentir les odeurs, de la terre ou de l’eau suivant l’humeur du vent, regarder loin devant, l’horizon arrondi que tu vois presque plat, penser au grand du monde, à ce qu’il y a plus loin, l’Angleterre juste en face et au-dessus l’Écosse, savoir Chausey à droite et puis les Écrehous presque pile dans ton Nord, ne pas penser surtout à Rouzic, aux Sept-Îles quelque part sur ta gauche, revenir sur la plage, regarder l’eau qui part, qui se construit des fleuves, des rivières, des torrents et des ruissellements pour retourner au large. Repartir tranquillement, en suivant distraitement la limite frétillante entre la plage et l’eau, vérifier discrètement qu’il n’y a personne là-bas, sachant que si besoin, tu ne feras qu’une promenade sans aller jusqu’aux huîtres. Une fois sur les rochers, s’installer comme il faut, poser le sac à dos et sortir le couteau. D’abord la regarder pour voir où l’aborder, bien caler le chiffon pour épargner les doigts, du couteau faire pivot pour séparer doucement les deux valves du bivalve. Laisser sur le rocher la moitié de coquille qui y est accrochée, avec l’autre moitié, amener l’huître aux lèvres. Manger l’huître. Manger la mer. Manger la mer entière, en prédateur suprême, avec juste un soupçon de culpabilité. Ne pas en manger trop, quatre ou cinq suffiront, en laisser pour demain et pour les jours d’après, pour les années d’après. Entre chaque cueillette, s’arrêter un moment, regarder loin devant, manger un bout de pain avec du beurre salé et puis regarder loin, loin devant, pas l’ouest, surtout pas vers l’ouest, même si le frais qui vient et les jolies couleurs annoncent déjà clairement que le jour se retire pour aller se coucher. Résister à l’ouest. Aujourd’hui tu n’écris pas. Tu vaques à autre chose. Vaquer. Vide. Vacances
Peut-être un demi-citron jdirai…
Peut-être… le citron, c’est en option 😉
manger les huitres sur la plage, un délice, mais au rocher, jamais fait, bon, bien que soucieux, il s’emmerde pas ton personnage quand t’es pas là !
m’en parle pas ! et en plus elle (personnage féminin) a oublié le pinard ! 😉
C’est très beau ce personnage qui descend du bateau et marche jusqu’à la plage pour manger l’huître, manger la mer mais qui en garde pour les année d’après. Eloge de la vacuité nécessaire à l’écriture, faire une pause ?
Merci.
Pause obligée, pour coller à la proposition 😉
Il fait dire que les personnages, on leur mène parfois la vie dure …
Même mode de récit que dans ton beau texte sur la photographie… un JE et de l’infinitif, et toujours qualité des détails…
voilà donc ce que fait ton JE quand tu le laisses tranquille, et je veux bien l’accompagner dans la dégustation, s’il y a une petite place…
Mince, démasquée, même mode qu’un des textes sur la photo ;-)… peut-être parce que la question du pronom, « Tu » ou « Je » est toujours là, et toujours avec ses doutes et ses questions : réflexions et hésitations encore en cours…
Quant à m’accompagner pour la dégustation, tu es là bienvenue, évidemment !