#été2023 #07bis | pulvériser la disparition

L'auteure est passée à la dimension organique de l'olfaction. Sentir est un voyage, on passe chez les insectes mais de l'odorat dont on s'enquiert c'est leur extinction qui entête. Difficile pour l'unité narrative, ici peut-être un monologue de la narratrice des étapes précédentes. Passée dessous, nez bouché comme en évacuation de mucus gênant, là où ça dit mieux en piquant.

Je n’ai pas assez parlé de cette odeur. Chaque jour une immense castration chimique arrive pendant que j’inspire. Pendant que j’expire. Pendant que le globe suit sa rotation des millions de récepteurs olfactifs sur les antennes ne s’activent plus. Les plantes sont forcées au célibat. Les arthropodes carapacés, nos crustacés volatiles, sont entrés dans l’enfer pesticidaire. Huit individus sur dix sont définitivement sortis de la branche des invertébrés en quelques dizaines de printemps assoiffés de rendements.  Les oiseaux crient famine. Les cigales et les fourmis n’en finissent plus d’aligner les rangées de compatriotes tombés au maïs, au blé, au contact des pollens et des nectars.

Nos bulbes olfactifs orphelins, des cartes spatiales disparaissent. Ce ne sont pas seulement des branches de nos classifications qui s’éclipsent mais nous allons perdre notre connectivité aux espèces. Nos cortex sensoriaux oublieront de coder l’information des molécules volatiles disparues. Nos neurones olfactifs désactiveront le récepteur, signal éteint, glomérule endormie dans le bulbe. Désert de l’épithelium. Plus de rivages de ces odeurs en nous.

Nous sommes les nez de l’espèce exterminatrice, des pulvérisateurs de disparition. Si l’odorat est le sens essentiel des insectes, nous menons la guerre aux antennes, aux récepteurs olfactifs, aux fornications végétales, au sublime ébat du grain de pollen sur l’étamine. Notre réseau de nerfs sensitifs flottant en haut de la narine, nous sommes loin de la réceptivité des antennes. Elles entrent dans un périanthe, frôlent l’ovaire déposent un grain de pollen en équilibre sur une étamine, pendant que nous pulvérisons, inspirons et expirons gauchement, fiers de nos parfums raffinés et de nos herbes aromatiques. Pour nos tonnes de maïs ; de blé, nous bunkerisons les champs, murons l’air aux volatiles. Avant même de leur laisser une ligne de défense la guerre était gagnée, rendement décuplé.

A propos de Nolwenn Euzen

blog le carnet des ateliers amatrice de randonnée (pédestre et cycliste) et d'écriture, j'ai proposé des séjours d'écriture croisant la marche et l'écriture, et des ateliers deux livres papiers et un au format numérique "Babel tango", Editions Tarmac "Cours ton calibre", Editions Qazaq "Présente", Editions L'idée bleue revues La moitié du Fourbi, Sarrasine, A la dérive, Contre-allée, Neige d'août, Dans la lune...

8 commentaires à propos de “#été2023 #07bis | pulvériser la disparition”

    • Merci Françoise. Une phrase impossible à rebasculer telle quelle dans le corps de mon « roman ». Tant pis, c’est le jeu de l’exploration !

  1. Superbe texte (même si mon écoanxiété en prend un coup !) : j’aime sa radicalité (fondée), son rythme, la précision des termes. Merci Nolwenn

    • Merci Muriel à mon tour. Je reprends le rythme de l’atelier après une coupure. Dans le dur, ici. Mais cela manque probablement de littérature.

  2. Merci Nolwenn pour cette plongée dans des systèmes perceptifs autres. Nous humains sommes certainement des handicapés. Quand perception rime avec extinction… on se la prend la claque, merci pour elle