Je me demande si je sens. Est-ce que je sens. Qu’est-ce que je sens. Si on peut me reconnaître à mon odeur . Si on se souvient de moi à mon arôme. Comme certains lieux ou certaines personnes. La senteur de l’eau, le parfum d’une clairière, l’odeur d’épices d’un quartier, le fumet des égouts, le remugle des déchets. Vaut mieux ne pas vivre près d’une station d’épuration ou d’un dépôt d’ordures, heureusement ce n’est pas mon cas. Dis-moi si je sens.
Si je sens, c’est par accident . Parfois la tonte de pelouse, l’herbe coupée, la taille de haie, parfois le feu de bois (bien que ce soit rigoureusement interdit), la viande grillée, le chlore des piscines quand les enfants s’y ébattent bruyamment, le goudron chaud … jamais le linge qui sèche, la cuisine celle qui mitonne avec au fond des oignons, le fumier, la fiente…rarement les gaz d’échappement et l’huile chaude quand ils jouent avec leur moteur deux temps (nous avons quelques adeptes de la roue arrière, pas plus; l’odeur d’essence, ils aiment ça) , ou les effluves des huiles blanches qu’on vaporise sur les vergers pour les prémunir des prédateurs, le bouquet de l’autoroute quand le vent le porte. Chez moi, l’odeur est signe d’anomalie, encore que je sois le plus mal placé pour détecter ma propre odeur parce que je baigne dedans. L’odeur de la fuite de gaz saurai-je la remarquer ?
La question m’obsède : est-ce que je sens ? Est-ce que je sens des toitures, des murs, des vides sanitaires. Est-ce que je sens des moquettes, des parquets, des bassins d’eau croupie où éclosent les moustiques. Est-ce que je sens comme les vieilles maisons sans aération. L’odeur de vieux qui fait des souvenirs aux petits enfants me terrorise; ce ne sont pas que de bons souvenirs et les traitres ils ont le nez fin. Est-ce que je sens des canalisations, eaux grises, eaux pluviales, fosses sceptiques (il n’y en a plus normalement). Je m’inspecte, me détecte, me hume. Les odeurs n’ont pas bonne presse.Les poulaillers, les cochons d’Inde je n’en veux pas chez moi. Le moisi, le ranci non plus. Quand je fais visiter, j’aime que ça sente le propre, le net, l’aéré. Qu’on me dise, ça sent bon chez vous et j’ajoute quand les poiriers sont en fleurs, vous les sentez jusque dans votre salon. Ça fait rêver, même si en vrai il y a dans l’odeur des fleurs de poiriers des relents de pisse de chat comme dans l’odeur des buis. Dis-moi si je sens, c’est important.C’est pire que tout de sentir mauvais.
Et ce deuxième texte prolonge le premier. La première personne est fabuleuse ici !
Merci Laure. ça compte pour moi que tu aimes.
Belle humble interrogation quant à ce qui olfactivement me distingue, aussi parce qu’elle en passe par la question de ce qui sens en moi, et corrélativement de comment nos habitats nous constituent
*sent
Merci. Important pour moi, mais je me demandais si cela ferait echo chez d’autres.