#Ateliers d’été 07bis# Maréchal nous voilà !

/

C’est l’odeur qui nous attire tous vers la rue, en plein déjeuner, comme un plat oublié sur le gaz…

La corne. La corne brûlée des sabots que les pailles de litières ont enrichie des puanteurs organiques, la terre du labeur de ses accords lourds. Le percheron gris pommelé est attaché à l’anneau du maréchal. Les aides ont passé de gros tabliers de cuir qui leur font comme des jupes de fer. A l’aide d’une sangle, le commis maintient la patte repliée, le patron taille la corne dure ou la sole tendre. Les outils tranchent, les copeaux tapissent le seuil que des poules viennent picorer entre les jambes de l’animal, les hommes les chassent, elles fuient vers leur fumier goûteux. Le sabot reprend forme, retrouve le dessin idéal du pied qu’on arrondit à la lime, une râpe énorme. La forge tourne, le feu rougit les charbons attisés par le vent du soufflet, étincelles, le fer posé sur les brandons tourne à l’orangé, au vermillon, au blanc ; mélange d’odeurs nouvelles, métal et soufre. Au signal du patron, l’aide saisit le fer dans ses pinces, vient l’appliquer sur le sabot. La fumée âcre nous entoure, colle aux vêtements, bouffées, soulèvent le cœur de Béatrice, se retourne vers la maison, Penelope les reconnaît, chez son père, éleveur de bétail, les odeurs organiques se mêlaient souvent à celles des feux de forêts ; placide, le cheval agite un peu le pied qu’on arrose d’un seau d’eau. Les clous à belle section carrée font un bruit mat sous les coups, on coupe les pointes à la tenaille, l’équipe fait tourner l’animal pour ferrer l’autre sabot. Les hommes en blouse semblent bien petits pour dominer à ce point la force brute. Leurs outils de fer, de bois, de cuir, voleraient au moindre coup de pied. C’est peut-être cela qu’espère Albert tandis que le cheval aux pieds énormes repart, guidé par son maître, fier de ses fers tout neufs, il fait jaillir de la route grise quelques étincelles.